|
|
Dernier film d’animation de Tim
Burton et Mike Johnson, "Les Noces Funèbres" sont célébrées en
grande pompe au cinéma* avec Johnny Depp, Helena Bonham Carter,
Emily Watson, Albert Finney et Christopher Lee. Dans ce conte
poético-macabre inspiré d’une légende slave, le jeune Victor Van
Dort doit épouser Victoria Everglot sous la contrainte de leurs
parents. Mais, au moment où une idylle nait de la rencontre des
deux fiancés, Victor se promet accidentellement à une morte. Il
découvre alors le monde souterrain des défunts, plus festif et
coloré que le sinistre décor victorien des vivants. Que va-t-il
décider ? Le créateur de Bettlejuice, Edward aux mains
d’argent, L’Etrange Noël de Monsieur Jack et
Sleepy Hollow nous offre, avec succès, une réalisation très
personnelle car fidèle à son univers gothique et merveilleux.
Enquête aux portes du Royaume des Morts où il fait bon vivre… |
Un dossier préparé par Erick Fearson et
Olivier Valentin
Il va être difficile pour moi d’avoir une
approche objective des "Noces Funèbres" de Tim Burton. Vous l’aurez
deviné, je suis un admirateur inconditionnel de l’œuvre de ce génie (et
le mot est faible !) autant que de l’homme et de sa vision des choses.
D’autant plus que ce film aborde des thèmes qui me sont chers. Je ne
pouvais rêver mieux que de cette histoire de revenante se déroulant à
l’époque victorienne, où l’on découvre que le monde des morts est un
endroit où il fait bon vivre !
Le coup de cœur d'Erick Fearson
Inspirée d’un conte populaire Russe,
l’histoire nous narre le mariage de Victor, jeune aristocrate du 19ème
siècle, promis à la douce et timide Victoria. Mais le jeune tourtereau
va par inadvertance, épouser une séduisante défunte aussi sensuelle que
jolie, et se retrouver six pieds sous terre dans un univers où les morts
font joyeusement la fête et les squelettes chantent le jazz à un rythme
d’enfer. Défunte qui est d’ailleurs autrement plus vivante que la future
mariée en question. Victor va donc devoir faire un choix qui supposera
un sacrifice.
Nous retrouvons donc ici les thèmes de
prédilection du sieur Burton. D’un côté, le monde des vivants et de
l’autre, le royaume des ombres que, bien sûr, tout oppose. Le monde des
vivants grisâtre, habité par des personnages vénaux, hypocrites et
puritains, d’une tristesse à faire déprimer le plus optimiste des
optimistes, se confronte au royaume des morts coloré et festif imprégné
d’une bonne humeur à requinquer n’importe quel mort. Comme il l’a
démontré dans Beetlejuice, Tim Burton nous montre encore une fois
que la mort, sujet tabou dans notre société, n’est pas un ennemi en soi
et que nous n’avons aucune raison de nous en effrayer le moment venu.
Accompagnées par son complice de toujours,
le compositeur Danny Elfman, les "Noces Funèbres" sont un régal pour les
yeux et les oreilles. Imprégné d’une noirceur fantasmagorique, ce conte
lyrique, poétique et forcément gothique est bourré de trouvailles
visuelles et respire l’humour noir en permanence. Dans le monde des
trépassés, les dialogues sont… à mourir de rire ! Jubilatoire ! La
beauté graphique de cette œuvre, véritable travail de fourmi, réside
aussi et surtout dans la technique d’animation déjà utilisée dans
L’Etrange Noël de Monsieur Jack. Le film est aussi symbolique et
métaphorique comme nous le montre la fin, puisque la défunte mariée
trouvera la délivrance sous la forme d’une nuée de papillon s’élevant
vers la lune. Papillons qui, je le rappelle, représentent dans plusieurs
cultures l’âme des morts...
Alors bien évidemment, certains esprits
chagrins regretteront l’arrière-goût de déjà-vu de cette œuvre. Il est
vrai qu’on ne peut nier les points communs avec L’Etrange Noël de
Monsieur Jack, Beetlejuice et même du génialissime
court-métrage Vincent. On peut aussi faire le parallèle avec son livre
La triste fin du petit Enfant Huître (1). Mais qui lui
reprochera ? Car soyons francs, ces "Noces Funèbres" auraient été
réalisées par un autre, on aurait crié au génie ! Il est évident que Tim
Burton, dont l’univers est aussi original et décalé, prend beaucoup plus
de risques à se renouveler qu’aucun autre réalisateur.
Autre regret : 77 minutes, c’est un peu
court, Monsieur Burton ! On aurait aimé baigner dans cet univers
burtonien beaucoup plus longtemps.
En conclusion, très bon film pour les
amateurs d’atmosphère victorienne fantastique, même si on regrette la
durée trop courte et le goût un peu réchauffé de ce plat mortellement
jouissif. Un conseil : courez le voir… vous n’en ressortirez pas
vivant !
E. F.
*****************************************************************
Depuis Vincent, son tout premier
court-métrage d’animation qui raconte l’histoire d’un étrange garçonnet
de sept ans, exclus de tous et qui rêve de devenir Vincent Price (acteur
fétiche de Burton), l’art Burtonien est devenu une signature. Mariage
subtil de fantastique, d’humour noir et de mélancolie, l’univers très
inventif de Tim Burton met en scène des fables où des personnages
enfantins, à la fois tendres et cruels, sont les jouets de la fatalité.
Cultivant leur différence, ils nous font peur et nous font rire, leur
donnant ainsi une émotivité à fleur de peau qui finit par nous toucher.
Lorsqu’ils vivent une histoire d’amour, elle est systématiquement vouée
à l’échec car impossible à réaliser. Pour vaincre leur détresse, ils
entament alors un voyage initiatique dans un monde parallèle, sombre et
macabre pour le commun des mortels, mais joyeux et libérateur pour eux.
Par Olivier Valentin
La petite famille d’un
"chien fou"
Il suffit de feuilleter les pages de son
recueil de contes La triste fin du petit Enfant Huître pour se
rendre compte de toute l’étendue de son imagination azimutée. Aux côtés
de dessins dont il est lui-même l’auteur, Tim Burton déroule les destins
tragiques d’une étonnante famille d’enfants, solitaires et difformes,
qui nous attendrissent autant qu’ils nous horrifient. On découvre ainsi
comment L’enfant avec des clous dans les yeux fabrique un curieux
arbre de Noël parce qu’il « n’y voyait que dalle ». Ou encore
l’aventure tragique de La fille faite d’ordures qui vivait dans
les décharges et que même l’amour d’un éboueur ne put sauver du broyeur.
Sans parler de la romance entre Brindille et Allumette qui part
en fumée. Ou de la brève existence de Ludovic, l’enfant toxique,
dont l’âme rejoint la couche d’ozone après avoir respiré de l’air pur…
Ces poèmes insolites dont les jeux de mots
macabres prêtent souvent à sourire sont le reflet métaphorique des
angoisses de l’adolescence, et en particulier celle de Tim Burton.
D’ailleurs, dans un livre autobiographique (2), il confie : « Ce sont
des petits objets – des contes destinés à l’homme moderne et qui ne sont
pas faits pour rester. C’est aussi une sorte de porte ouverte sur ma
personnalité. C’était très amusant à mettre en forme. C’est un exercice
très apaisant. Ça m’aide à me recentrer et à cadrer ce que je pense, car
je suis un chien fou. »
Sans aller jusqu’à jouer les Dr. Freud, il
est tentant de retrouver dans l’enfance et les débuts du cinéaste les
sources d’inspiration de ses films.
Burton attacks !
Né en 1958 à Burbank en Californie, Tim
Burton a grandi dans une banlieue pour classes ouvrières, sous le trafic
incessant des avions de l’aéroport tout proche où il s’amusait à
observer les fumées des moteurs au décollage. Dans cet environnement
hostile, il devint « l’étranger dans un monde étrange », se réfugiant
alors dans les salles de cinéma ou devant la télévision. « J’allais
voir pratiquement tous les films de monstres, mais c’étaient surtout, et
je ne saurais dire pourquoi, les films avec Vincent Price qui laissaient
sur moi des traces indélébiles. Ils parlaient de l’endroit où je
grandissais, des mes sentiments très négatifs à l’égard de l’atmosphère
soi-disant agréable et normale de la banlieue. ».
Pour une raison qui lui échappe encore,
ses parents avaient muré les fenêtres de sa chambre qui donnaient sur le
jardin. Pour voir à l’extérieur, il devait alors escalader son bureau et
atteindre la petite fenêtre qui les remplaçait. « J’ai associé cet
événement à la nouvelle d’Edgar Allan Poe où un homme est emmuré vivant
et brûlé vif. Voilà le genre de sentiments que j’éprouvais à l’égard de
mon monde. Burbank, cet endroit mystérieux ! »
Enfin, pour s’amuser, il n’hésitait pas à
arracher la tête de ses petits soldats ou à faire croire à l’enfant de
ses voisins que les extra-terrestres avaient débarqué…
Burbank, Vincent Price, Edgar Allan Poe et
les films de monstres ! Voilà l’alchimie qui fut si déterminante pour le
jeune enfant introverti et inventif qu’était Burton. « Quand tu es
plus jeune, tu crées ta propre mythologie et tu détermines ce qui te
touche. Et ces films, leur poésie, ces personnages plus grands que
nature qui traversaient tant de tourments – la plupart imaginaires –
m’interpellaient comme d’autres enfants ont pu être interpellés par les
films de Gary Cooper ou John Wayne. »
Lorsqu’il rejoint les Studios Disney en
1979 comme dessinateur, l’animateur Glenn Kean lui confie les gentils
petits renards de Rox et Rouky… Mauvaise pioche ! Burton
déprime : « Je me comportais de manière étrange (…). Je m’installais
fréquemment au fond d’une armoire dont je ne sortais pas, ou je
m’asseyais sur mon bureau – ou au-dessous –, ou je faisais des trucs
étranges comme me faire arracher une dent de sagesse et inonder de sang
les couloirs. Mais je suis arrivé à dépasser ce stade. Je ne m’enferme
plus dans une armoire. J’étais gardé à distance respectable, mais
j’avais la paix. »
Donnant ainsi le ton à ses collaborateurs,
il va travailler sur des concepts plus proches de sa personnalité et de
son talent. Engagé comme artiste-concepteur sur le dessin animé Taram
et le chaudron magique, il esquisse des sorcières, des meubles et
des tas de créatures effrayantes mais rien n’est jamais retenu. Pendant
plusieurs années, il reste donc dans son placard doré, « épuisant son
réservoir d’idées » dans un studio en pleine mutation, avoir
l’espoir de pouvoir réaliser un jour son premier projet personnel.
Vincent ou le double de
Tim Burton
En 1982, Tom Wilhite, responsable du
département créatif, lui offre 60 000 dollars pour produire Vincent,
un court métrage en animation, d’après un poème en vers écrit par
Burton. Tout d’abord destinée à être publiée sous forme de livre pour
enfants, l’histoire devient script. En effet, Burton était tenté par la
technique de l’animation image par image car il « sentait que la
gravité que ce type d’animation allait conférer à ces figurines en trois
dimensions était nécessaire pour rendre cette histoire plus vraie. »
Deux mois de travail en collaboration avec un collègue animateur, Rick
Heinrichs, donnent naissance à ce film de cinq minutes, tourné dans un
noir et blanc contrasté, dans le plus pur style expressionniste allemand
des années 20. Vincent Malloy, le personnage-titre qui fait penser au
créateur lui-même, se projette dans une série d’événements
fantasmagoriques inspirés des contes d’Edgar Allan Poe que Roger Corman
avait portés à l’écran avec Vincent Price. Le design de Vincent est une
ébauche flagrante de Jack Skelington et du Victor des Noces Funèbres :
un jeune homme blême, aux yeux écarquillés et à la tignasse hirsute.
Personnage qui inspirera certainement Johnnu Depp pour ses
interprétations d’Edward aux mains d’argent et d’Ichabod
Crane dans Sleepy Hollow. En outre, on peut se demander pourquoi
Burton a toujours été si fasciné par les yeux globuleux, ceux qui
tombent de leurs orbites ou ceux qui grossissent derrière des lunettes
de myope ?
La même année, il réalise Frankenweenie,
l’histoire du chien de Victor Frankenstein qui, après avoir été renversé
mortellement par une voiture, ressuscite grâce à une expérience de
physique. Mais, malgré la bonne volonté du petit Victor et de ses
parents, le chien réanimé ne sera jamais accepté des voisins.
Un
happy end ou unhappy end ?
De ces deux créations originales d’une
intense profondeur émotionnelle, Tim Burton retient la leçon du syndrome
des « happy end » imposés par la plupart des studios. « J’ai toujours
ressenti les happy end obligatoires comme une dérive psychotique ».
A la fin de Vincent, alors que le jeune héros est laissé pour
mort, les employés de Disney voulaient un dénouement plus optimiste. Au
contraire, Burton préfère laisser au spectateur la liberté de conclure
avec sa propre imagination. Ce choix narratif et artistique sera la
pierre d’angle de son œuvre. Pour preuve, aucun des films Burtoniens n’a
de dénouement explicitement heureux. Il subsiste toujours une forme de
mélancolie. Car même si l’essentiel d’une tragédie est, au final,
raccommodé, il reste des déchirures et des fils qui dépassent, à
l’instar de la créature de Frankenstein. Tous les protagonistes ne sont
donc pas gagnants à 100% dans une aventure Burtonienne.
Lorsque Tim Burton accède enfin à la
confiance de ses pairs, il dresse tous les codes de son univers gothico-onirique
dans une série de films devenus cultes : Bettlejuice (1988),
Batman (1989), Edward aux mains d’argent (1990), Batman le
défi (1992), L’Etrange Noël de Mr. Jack (1993) et Sleepy
Hollow (1999). Il réalise également des films tous aussi
extravagants et loufoques mais moins investis de sa fibre surnaturelle,
comme Pee Wee Big Adventure (1985), Ed Wood (1994),
Mars Attacks ! (1996), La planète des singes (2001), Big
Fish (2003) et le récent Charlie et la chocolaterie (2005).
Avec les Noces Funèbres, Tim Burton
revient aux sources de son art et de son goût pour le « stop-motion »,
procédé propre au cinéma d’animation qui repose sur l’utilisation de
décors rigides et de marionnettes photographiées image par image,
mouvement par mouvement.
Un mariage et un
enterrement
Pour le scénario de son second
long-métrage d’animation, le réalisateur s’est inspiré d’une légende
russe basée sur l’histoire vraie d’une juive assassinée et enterrée lors
de sa cérémonie de mariage par des antisémites dans la Russie du 19ème
siècle.
En Russie, un jeune fiancé se rend avec un
ami au village de sa promise, à deux jours de marche, et décide de
camper en chemin près d’une rivière.
La nuit, son attention est attirée par un
étrange objet sur le sol qui ressemble à un os de doigt. Amusé, le jeune
homme insère l’alliance de sa bien-aimée sur le « bout de bois » et
entame le rite du mariage juif en dansant, chantant et récitant les vœux
de sacrement, devant son ami hilare. Soudain, la plaisanterie est
interrompue par un tremblement de terre et le squelette d’une jeune
femme en robe de mariée émerge du sol éventré. L’effroyable apparition
déclare : « Vous avez dansé et psalmodié les rites du mariage tout en
glissant une alliance sur mon doigt. Nous sommes maintenant mari et
femme. Je revendique mes droits d’épouse légitime ».
Terrorisés, les deux hommes fuient à
toutes jambes en direction du village pour s’entretenir avec le rabbin.
Alors qu’ils racontent leur mésaventure, la morte fait irruption pour
exiger sa nuit de noces. Les rabbins délibèrent entre eux, devant la
morte, le fiancé et sa promise, pour étudier la validité du mariage.
Selon eux, le mariage est reconnu mais ils ajoutent qu’une morte n’a
aucun droit sur un vivant, levant ainsi toute possibilité d’engagement.
La défunte mariée s’écroule comme un fétu
de paille devant le couple soulagé : « C’était la dernière chance de ma
vie. Tous mes rêves s’effondrent ! » déclare-t-elle dans un dernier cri
de désespoir. Touchée, la jeune fiancée décide de réunir les ossements
et de les enterrer en promettant de « vivre ses rêves pour elle » et de
ne jamais l’oublier.
Depuis ce jour, les descendants de ces
époux se transmettent cette histoire de génération en génération,
témoignage de sagesse et de compassion.
Dans les Noces Funèbres, Tim Burton
revisite ce conte et entraîne son héros, six pieds sous terre, dans le
monde de la morte amoureuse. Il crée ainsi une opposition entre le décor
victorien des vivants, statique et morne, et le royaume des défunts, « un
monde fou, très lumineux, une symphonie de couleurs vives » comme le
décrit Nathan Lowry, le directeur artistique. Le protagoniste,
véritable écorché vif, sensible, maladroit et mélomane, se retrouve
écartelé entre sa promise et son épouse de l’au-delà, devant ménager les
sentiments des uns et des autres au péril des siens.
Des marionnettes plus
vraies que nature
Pour donner vie à ces personnages, Burton
fait appel aux fidèles de son univers. Prêtant leur voix, les acteurs
sont même devenus des modèles pour les marionnettes. D’ailleurs, le
générique suggère que les interprètes figurent dans le film… trait pour
trait !
Johnny Depp retrouve en Victor son
personnage Burtonien fétiche. Tim Burton adore travailler avec lui : « Chaque
fois que je travaille avec Johnny Depp, je découvre quelqu'un de
différent. Il est bien plus occupé à devenir le personnage qu'à cultiver
son image. Je trouve cela très stimulant surtout chez un artiste que le
grand public perçoit comme faisant partie des "Most Beautiful People".
Johnny est disposé à prendre des risques. Chacune de nos expériences
communes a été différente de la précédente - et meilleure. C'est
merveilleux de fréquenter des gens comme lui, avec qui l'on peut
communiquer de façon quasi subconsciente ».
Helena Bonham Carter qui révéla en 1994
son charme victorien dans le Frankenstein de Kenneth Branagh
« donne vie » à Emily, la défunte et sensuelle mariée. L’actrice est
aujourd’hui l’épouse (bien vivante !) du réalisateur. Les Noces
Funèbres marquent leur quatrième collaboration après La planète
des singes, Big Fish et Charlie et la chocolaterie.
C’est Emily Watson qui campe le personnage
de Victoria, la fiancée éconduite à cause d’une morte. L’actrice de
Breaking the waves participe pour la première fois à une aventure
Burtonienne.
Dans les rôles secondaires, on retrouve
Albert Finney sous l’identité pompeuse de Finnis Everglot, le père de
Victoria. Son visage est plus connu du public (Hercule Poirot dans le
Crime de l’Orient-Express ou patron d’Erin Brockovich) et des
amateurs de Tim Burton (Edward Bloom dans Big Fish) que sa voix.
Pour le machiavélique et non moins
flegmatique Lord Barkis, Tim Burton s’est adressé à l’acteur anglais
Richard E. Grant. Souvenez-vous de son interprétation remarquable du
gouverneur Hudson Lowe, le geôlier de Napoléon dans Monsieur N.
d’Antoine de Caunes !
Quant à la voix du pasteur Galswell, elle
résonne du timbre d’outre-tombe d’un grand acteur : Christopher Lee qui,
après les nombreux films d’épouvante de la Hammer puis une période
d’austérité pendant les deux décennies 80 et 90, s’est forgé une noble
réputation depuis le magistral Comte Dooku des récents Star Wars
jusqu’au Saroumane de la trilogie du Seigneur des anneaux. Tim
Burton avait déjà fait appel à lui pour le juge de Sleepy Hollow.
Enfin, le majordome solennel de Batman,
Michael Gough, autre vedette du cinéma d’horreur, prête sa voix au plus
vieux squelette du Royaume des morts, le sage Elder Gutknecht.
Un rythme d'enfer
Comme on ne change jamais une équipe qui
gagne, la bande originale est à nouveau confiée à Danny Elfman. Ce
compositeur, inconditionnel des musiques de Bernard Hermann (Psychose,
Sueurs froides,…), est inséparable de Tim Burton depuis Pee
Wee Big Adventure. Et, à chacune de leurs collaborations, il offre
au cinéaste la tonalité gothique idéale à ses films, usant
d’instruments, de sonorités et de voix souvent associés aux ambiances
surnaturelles. Pour l’Etrange Noël de Mr. Jack dont il composa la
musique et les chansons, Danny Elfman était aussi la voix chantée de
Jack Skelington. Double casquette qu’il reprend dans les Noces
Funèbres, à la fois aux partitions et dans le rôle de Bonejangles,
l’interprète squelettique qui chante, sur des airs de xylophone, la
funeste aventure de la mariée.
Les Noces Funèbres sont bien celles
de Tim Burton ! Plus inspiré que jamais, il rend hommage à son leitmotiv
le plus intimiste, allant même jusqu’à faire quelques clins d’œil
(volontaires ou non ?) à ses autres films et même à ses débuts
d’animateur. Amusez-vous à les retrouver. Une hostile forêt qui conduit
Victor jusqu’au pied d’un arbre étrange pour une effrayante exhumation ?
Sleepy Hollow ! Un lugubre dîner près de l’âtre et des morts qui
jaillissent des flammes vertes pour terrifier les convives ? Bettlejuice !
En voyez-vous d’autres ? A part la marque du piano (un Harryhausen, en
hommage au pionnier de l'animation image par image Ray Harryhausen) ou
le papier peint de la maison des Everglot qui doit provenir du même
fournisseur que celui de la Maison Hantée de Disneyland…
Sorti en France à deux semaines de la fête
des défunts, les Noces Funèbres est un petit bijou d’animation
qui compte 109 000 440 images, photographiées une par une, avec des
centaines de marionnettes, sur 26 plateaux différents, pendant 55
semaines de tournage ! Mais au-delà de cette impressionnante
comptabilité, le spectateur retrouve son âme d’enfant, quand il fait bon
de frissonner sous la couette, à la lecture d’une histoire de fantôme,
avec à la clef, une morale pour la nuit : peut-on briser un cœur qui a
cessé de battre ?
Vive les mariés !
O. V.
(*) En DVD chez Warner Home Video depuis
le 11 mai 2006
(1) Editions 10/18, 2000
(2) "Tim Burton par Tim Burton", de Mark
Salisbury, éditions Le Cinéphage, 2000
Pour en savoir plus
:
>>
Le
site officiel du film
>> Signalons la parution en octobre 2005
du
beau livre de Antoine de Baecque, "Tim Burton", aux éditions des
Cahiers du Cinéma |