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Le Dr. Braithwaite à
l'école des fantômes
Une étonnante
dépêche fait actuellement le tour des médias ! Un neurologue
anglais, spécialisé dans l’étude des phénomènes paranormaux,
propose aux candidats qui le souhaitent de participer à un stage
de deux jours sur la parapsychologie et l’investigation de lieux
hantés, dans un château du nord-ouest de l’Angleterre, Muncaster
Castle. Maison-Hantee.com est allé au-delà du sensationnalisme
que provoque une telle nouvelle. Nous sommes remontés
aux sources de cette information en nous adressant directement à
l’intéressé, Jason Braithwaite, l’instigateur de ces "cours de
sensibilisation aux phénomènes paranormaux", et en nous appuyant
sur le descriptif du stage, disponible sur le site du château.
Intrigués par la démarche, nous espérons nous procurer
les résultats de cette incroyable expérience…
Par
Olivier Valentin
Directeur de recherche depuis 15
ans sur les histoires de fantômes attribuées à Muncaster Castle,
édifice d’origine médiévale, situé au bord de la mer, dans le
Comté de Cumbria, la région des lacs, le Docteur Jason
Braithwaite, 34 ans, veut mener une enquête scientifique
rigoureuse sur les légendes et l’influence qu’elles pourraient
exercer sur notre psychisme, à l’écart de toute démarche
folklorique. Il n’est ni mentaliste, ni médium mais se targue
d’être un sceptique raisonnable. "Le but est de faire un réel
travail scientifique, de faire la vérité sur pourquoi tant de
personnes voient ou croient voir des fantômes dans ce château"
déclare ce psychologue cognitif de l’Université de Birmingham.
Or, la liste des phénomènes
étranges, recensés à Muncaster, est longue. La pièce la plus
hantée serait la salle des Tapisseries, dans laquelle le
propriétaire propose aux touristes les plus intrépides de passer
une nuit, moyennant le forfait de 470 livres (685 Euros) par
groupe de 8 personnes. L’offre ne garantit pas d’apparitions
spectaculaires mais promet une veillée qui n’est pas de tout
repos. En effet, d’après les témoignages, le site serait le
théâtre de coups inexpliqués, portés sur les murs et les
plafonds, de portes qui grincent sans cause apparente, de pleurs
d’enfants et de chants d’outre-tombe.
Une dame blanche, fantôme de Mary
Bregg, assassinée au 19ème siècle, serait aperçue
quelques fois dans les jardins, tout comme Tom Fool, le spectre
d’un ancien bouffon.
Fort de ces traditions, Muncaster
a accepté, à de nombreuses reprises, d’être la cible de
parapsychologues qui n’ont jamais réussi à faire la lumière sur
ces rumeurs. Une fois de plus, l’hôte actuel, Peter Frost
Pennington, dont la famille possède le château depuis près de
800 ans, ouvre ses portes, du 29 au 30 mars 2006, à l’équipe du
Dr. Braithwaite. Et la vérité ne l’effraie pas. Au contraire, le
Dr Braithwaite reconnaît que c’est un gage de sérieux que
d'accepter cette démarche, quelle qu'en soient les conclusions.
Pour faire partie de l’aventure,
aux places limitées, il faut être âgé de 16 ans ou plus, sans
pré-requis scolaire, ni lectures préliminaires et être animé
d’une motivation dépassionnée. L’esprit critique et ouvert est
un plus. En outre, il n’y a aucun matériel spécifique à fournir
en dehors d’un papier et d’un bloc-notes.
Pour 110 livres (160 Euros), on
peut donc suivre un stage de deux jours avec, au programme, des
conférences sur les fantômes et les hantises, des travaux de
groupe sur les mécanismes de l’esprit humain et les techniques
d’investigation. Dans une démarche scientifique, les
apprenti-enquêteurs doivent évaluer les déclarations de témoins
oculaires et se former à l’utilisation d’un matériel approprié.
Pour 60 livres (88 Euros)
supplémentaires, une veillée nocturne est proposée en complément
du stage. A l’aide d’appareils de mesure, il faut prendre des
relevés factuels et élaborer ses propres conclusions, sans se
laisser abuser par des sens, ni ses impulsions. D’ailleurs, les
organisateurs se réservent le droit d’expulser un stagiaire dont
la conduite pourrait nuire à la bonne marche des opérations,
sans préciser si l’intuition et la sensibilité font partie des
contraintes éliminatoires…
Croire au surnaturel serait-il un
frein ? Cela dépend si le candidat est prêt à mettre ses
croyances en doute, compte tenu des résultats qu’il obtiendra
pendant son stage. Et si le prix des cours est un souci, le
château de Muncaster offre quelques bourses, histoire d’éviter
les accusations de sensationnalisme spéculatif. D’après le
formulaire d’inscription, en téléchargement sur le site de
Muncaster Castle, la démarche du Dr Braithwaite n’est pas
subventionnée par le château. Et les investissements générés par
ce projet sont d’ailleurs destinés à l’entretien du château.
Au total, le séminaire revient à
170 livres (248 Euros) par personne mais ne comprend pas la nuit
en chambre (en option). Les candidats doivent se contenter d’un
sac de couchage, à leur charge et à même le sol. A l’issue du
stage, les participants reçoivent un certificat approuvé par
Muncaster et le Dr. Braithwaite.
Au vu de ces données, nous sommes
donc en droit de nous poser des questions sur la légitimité de
cette action qui, sans le vouloir - à priori ! -, semble se
médiatiser, dans l’intérêt du chercheur et du château, haut lieu
touristique, à en croire son site web.
Ce genre de projet est monnaie
courante dans les pays anglo-saxons. Erick Fearson me rappelle
qu’une entreprise similaire s’est tenue à Edinbourg il y a
plusieurs années, pour étudier les phénomènes surnaturels qui
hantent les sous-sols de la capitale écossaise.
A l’instar des scénarios de
fiction, comme Maison Hantée de Shirley Jackson ou La
Maison des Damnées de Richard Matheson, le prétexte
scientifique est systématiquement avancé par l’organisateur du
séjour en maison hantée mais il empêche toute démarche intuitive
et sensitive. Pourquoi les gens ont-ils envie de croire ?
Quelles raisons empiriques les poussent à ressentir des choses
anormales ? Doit-on forcément renvoyer leurs témoignages aux
méandres de la psychologie humaine et des perturbations de leur
psychisme ?
Toute démarche scientifique est
mue par la recherche de preuves. Or, lorsqu’on enquête dans une
maison réputée hantée, cette approche ne fonctionne plus. Il
faut accepter de croire à l’incroyable, même en l’absence de
preuves, à partir du moment où l’on a écarté scrupuleusement les
tentatives de fraude ou les explications rationnelles. Mais le
travail d’un parapsychologue ne s’arrête pas lorsque la preuve
d’une réalité non surnaturelle est tangible. Il doit aller
au-delà et explorer les significations d’une croyance ou d’un
témoignage sincère, dans une démarche anthropologique.
J’ai donc posé la question à
l’intéressé, le Dr. J.J. Braithwaite, qui m’a assuré ne pas
vouloir égratigner les légendes (qu’il a lui-même contribué à
identifier) mais élaborer une méthodologie d’investigation en
marge de toute controverse scientifique ou parascientifique : "Les
légendes sont les légendes et font partie du patrimoine de ce
lieu. Mais les faits sont les faits, éprouvés par la science. Ce
n’est pas la même chose. Nous avons expérimenté plusieurs
théories scientifiques au château et certaines se sont révélées
exactes (i.e. aucune preuve de manifestations paranormales).
Cependant, plusieurs énigmes subsistent et nous travaillons
actuellement sur la signification de ces expériences fascinantes".
Si les esprits, au sens large,
nous envoient des signes, quels que soient leurs modes
d’expression, est-il sage de ne pas les voir ? Je me rappelle la
conclusion d’un épisode poignant d’X-Files* où Scully, en pleine
confession, demande au prêtre s’il croit aux miracles, ces "faits
que la science est impuissante à expliquer". Après avoir
sauvé la vie d’un enfant grâce à sa foi, elle se demande si elle
n’a pas rêvé. Le confesseur s’étonne de ses doutes, alors qu’on
apprend que Mulder n’a pas cru à ce qu’il a vu, contrairement à
son habitude. "Peut-être que cela ne lui était pas destiné ?"
s’interroge le prêtre. "Peut-être avez-vous vu ce que vous
aviez besoin de voir". "Pour retrouver ma route ?"
demande Scully. Alors, surprise, elle déclare avoir peur.
Lorsque le confesseur lui demande de quoi. Elle répond : "Que
Dieu essaie de nous parler, mais que personne n’écoute"…
O.V.
* "Révélations" (saison 3)
En savoir plus :
>>
Le site de
Muncaster Castle |