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Fantômes contre fantômes
"725 pages pour un sac
d’os ?!". L’expression courante "sac d’os" signifiant "personne
très maigre", on peut comprendre l’étonnement d’Erick Fearson à
propos du roman* de Stephen King.
Certes les histoires de fantômes sont assez rares chez ce maître
de l’horreur mais elles ne nécessitent pas forcément un
traitement aussi volumineux. Plusieurs fois au cours de ma
lecture, je n’ai pu m’empêcher de remarquer la disproportion
entre le sujet et la taille du livre. Malgré la virtuosité
narrative de l’auteur, il y a beaucoup de longueurs, privant
parfois le roman d’un rythme haletant. On est loin du "Da Vinci
Code" et de sa structure en chapitres courts qui entraînent le
lecteur dans une dynamique effrénée et lui offrent la perspective
d’une nuit blanche dès la première ligne.
Mais que l’amateur de suspense ne s’y trompe pas : ce que le "Da
Vinci Code" gagne en efficacité, il le perd en profondeur.
L’énigme de Dan Brown ne fait que survoler sa matière première
alors que le "Sac d’os" de Stephen King prend bien le temps de
plonger le lecteur, même le plus averti, au cœur d’une aventure
effrayante dont la véritable dimension s’exprime dans la seconde
moitié du livre. Bref, la surprise était au rendez-vous ! Comme
pour "Le pendule de Foucault" de Umberto Eco, le plus dur est de
passer les 300 premières pages…
Après, tout va très vite, avec une maîtrise de l’épouvante qui
ne souffre d’aucune comparaison dans la littérature fantastique
contemporaine. Et c’est seulement à la fin que l’on mesure toute
la complexité et la richesse de l’œuvre.
"Sac d’os", c’est l’histoire d’un écrivain, Michael Noonan, qui
perd son inspiration à la mort brutale de sa femme, enceinte. Il
décide alors de s’isoler à Sara Laughs, leur maison de campagne
lovée au bord d’un lac du Maine. Mais les fantômes du passé ne
tardent pas à se réveiller, entraînant le héros dans une
avalanche d’événements aux conclusions surnaturelles.
Comme le héros hitchcockien, Mike se retrouve malgré lui
impliqué dans une sordide affaire de garde d’enfant, luttant aux
côtés d’une jeune veuve contre un vieil infirme tout-puissant
prêt à tout pour récupérer sa petite-fille Kyra. A cet imbroglio
juridique vient se greffer une histoire de hantise qui puise ses
origines dans l’assassinat sauvage d’une chanteuse noire et de
son fils, victimes d’antisémitisme. Le procès qui devait alors
se tenir dans un tribunal finit pas se résoudre aux portes de
l’enfer.
Tous les ingrédients du fantastique sont exploités pour faire de
ce roman un vrai thriller "gothique" : la maison hantée par
toute la panoplie habituelle des phénomènes paranormaux
(apparitions, pleurs d’enfants, poltergeists, télépathie, rêves
prémonitoires, clairvoyance, outils de communication avec
l’au-delà,…) ; la malédiction qui frappe tous les occupants de
la maison tant que son secret n’aura pas été levé ;
l’affrontement entre des entités surnaturelles sur fond
d’enquête policière ; l’histoire d’amour entre le héros et la
jeune veuve dont le dénouement reste un mystère jusqu’à la fin.
A ce propos, on peut saluer le dossier que Roland Ernould,
professeur de lettres et spécialiste des littératures de
l’imaginaire pour lesquelles il a animé un site web jusqu'en
2004, a consacré à cette thématique : "Fantôme aimant contre
revenant maléfique". Avec son aimable autorisation,
Maison-Hantee.com vous le propose en téléchargement au format
PDF (voir lien ci-dessous).
Alors bonnes lectures en attendant l’adaptation au cinéma
annoncée sur le site officiel de Stephen King. D’après ce
dernier, Bruce Willis en serait le producteur…
Olivier Valentin
(*) Sac d'os, Stephen King, Livre de
Poche, mars 2001
Pour aller plus loin :
>> Le
dossier thématique de Roland Ernould (au format Acrobate Reader)
>> Le
site
web des littératures de l'imaginaire sur lequel Roland Ernould a
consacré de nombreuses études au fantastique et à Stephen King en
particulier
>> Le site
officiel de Stephen King (en anglais) |