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Chronique TV : Les gladiateurs du paranormal

Maison-Hantee.com revient sur l'émission de Stéphane Bern, L'Arène de France, diffusée le mercredi 4 octobre 2006 sur France 2, et consacrée aux phénomènes paranormaux. Comme toujours, à la télévision, ce fut une nouvelle tentative manquée d'offrir un vrai débat d'idées sur ce qui passionne les Français...

Par Olivier Valentin et Erick Fearson

Mercredi 4 octobre 2006, L’Arène de France, présentée par Stéphane Bern, sur France 2, a proposé à des invités hétéroclites de débattre sur la question "Faut-il croire aux phénomènes inexpliqués ?". D’un côté, les partisans du "oui", spécialistes et praticiens du paranormal, de son étude ou de son histoire. De l’autre, les partisans du "non", des scientifiques qui n’ont d’autre foi que dans la preuve. De quoi programmer un échange explosif, une sorte de funambulisme sur un fil qui peut casser à tout moment tant les deux camps sont difficiles à concilier depuis la nuit des temps. Fidèle à sa politique éditoriale qui privilégie la variété au débat d’opinions, cette émission n’a pas convaincu. Pénalisée par les sempiternelles contraintes télévisuelles (garder un rythme haletant pour ne pas perdre l’intérêt du téléspectateur), l’argumentation n’a pas le temps de s’imposer, laissant la problématique en plan. Stéphane Bern parle d’un "artifice d’éloquence". Or, il s’agit bien d’une mise en scène de la réflexion au-delà de la réflexion elle-même qui, du coup, piétine dans l’anecdotique, le sarcasme et parfois la mauvaise foi.

Bonnes surprises ?

Pourtant, le plateau d’invités, poussé par les intentions honorables de l’animateur, semblaient vouloir donner un nouveau souffle à ces questions controversées sur le paranormal qui souffrent, depuis tant d’années, d’une mauvaise médiatisation. On se souvient des échauffourées stériles qui animaient certains programmes racoleurs, comme Ciel, mon mardi ou Normal, paranormal, mal adaptés pour parler de ces phénomènes avec humilité et sincérité.

Au terme d’un sondage auprès du public qui donne l’avantage aux partisans du paranormal, Stéphane Bern pose trois bonnes questions : "Qu’est-ce que la science ne peut pas expliquer ?", "pourquoi les hommes ne se contentent-ils pas de la science pour expliquer ce qu’ils ne comprennent pas ?" et "les pratiques paranormales sont-elles dangereuses ?".

Le débat s’ouvre alors sur le témoignage d’un invité qui consulte régulièrement une voyante pour des raisons indépendantes de ses responsabilités professionnelles, le directeur de la Prévention routière de Paris ! Voilà une présence bien improbable dans le camp des amateurs de mystères ! Comment cet homme, visiblement doué de bon sens, peut-il se risquer de l’exposer devant 1,6 millions de téléspectateurs, au risque de se décrédibiliser ? Que la production lui a-t-elle fait valoir pour le convaincre de défendre ainsi publiquement ses arguments ? Sans doute a-t-il trouvé le terrain suffisamment préparé et encadré pour oser confier son "petit faible" pour l’étrange devant une telle brochette de sceptiques. Ou alors, tout simplement assume-t-il parfaitement ses prédispositions au paranormal au-delà de sa charge professionnelle ? Et oui, ça existe !

Second invité à la présence encore plus improbable, un professeur de chimie, normalienne et magnétiseur ! Avec beaucoup d’assurance, elle évoque son expérience de dédoublement, cette sensation de flotter hors de son corps. Dès lors, elle est devenue sensible aux fluides à tel point qu’elle propose de soigner, librement et bénévolement, certains malades par imposition des mains. Et elle accepte d’en parler !

Bien loin des personnalités exubérantes dont nous sommes familiers dans ce genre d’émissions, ces témoins courageux bénéficient du soutien des autres partisans du "oui" comme le journaliste et historien Frédéric Lenoir, une voyante à forte notoriété, un médium radiesthésiste qui collabore avec la gendarmerie et un chercheur en parapsychologie, membre du très sérieux Institut Métapsychique International qui fuit ordinairement la pression médiatique.

De l’autre côté de la "ligne de front", un psychiatre s’étonne des bienfaits du magnétisme. Un nouveau moyen de réduire le déficit de la Sécu ? Un professeur de médecine, chef du service pharmacie et toxicologie de l’Hôtel-Dieu, dénonce d'emblée les dérives du paranormal, condamnation immédiatement relayée par deux zététiciens, Henri Broch et Paul-Eric Blanrue. Enfin, un membre de l’Union Rationaliste tente, par des moyens simplistes, de désavouer les guérisseurs.

Ce qui conduit (certes un peu maladroitement mais on sent que la rancœur est grande…), la voyante Maud Kristen à provoquer la première - une fois n’est pas coutume ! - Henri Broch, auteur du Défi Zététique International qui récompense de 200 000 Euros toute personne qui prouvera la réalité de ses facultés paranormales dans les conditions définies par les organisateurs (et non par les médiums comme il semble l'affirmer) : comment des chercheurs peuvent-ils se préoccuper d’une discipline qu’ils ne connaissent pas ? "Un serrurier peut-il s’occuper de votre jardin ?". Elle pose le problème de la compétence en prouvant que, par manque d’objectivité, les zététiciens sont incapables d’étudier des phénomènes qu’ils dénigrent à priori.

Le schmilblick recule...

Finalement, malgré une heure de débat, le système d’accusation contre les phénomènes paranormaux n’a pas changé d’un iota : si un événement inexpliqué n’est pas démontrable dans les conditions imposées par la science, il doit être nié. Au contraire, s’il est reproductible, il cesse d’être mystérieux. Quoi qu’il en soit, pour ces rationalistes convaincus, rien n’est inexpliqué, tout est inexplicable ! En effet, il est inconcevable pour eux qu’un phénomène ne puisse être, à terme, confirmé ou infirmé par l’expérimentation. Ainsi, la science, source absolue de vérité, ne les autorise pas à accorder une part de possible à l’étrangeté de certains phénomènes.

Quant aux défenseurs de la cause paranormale qui souhaitent pouvoir croire sans preuve, ils restent persuadés qu’un faux procès leur est imposé, un procès d’intention marqué de nombreux amalgames et erreurs d’interprétation qui les accuse de manipuler les masses incrédules et, surtout, qui ne les laissent jamais exprimer le fond de leur pensée, sous prétexte de ne pas être des "sommités".

Vote de conclusion : le besoin d’irrationnel est toujours très fort. Et aucune avancée scientifique ne viendra à bout de cette nécessité de croire à l’incroyable ! "Faut-il croire aux phénomènes inexpliqués ?" La question était mal posée : comme si la croyance était conditionnée par le verdict de la science !

En outre, pourquoi L’Arène de France n’a-t-elle pas fait avancer le schmilblick ? Il faut chercher les réponses dans le concept même de l’émission.

Une plaidoirie sans enquête, ni procès

L’animateur, seul maître à bord de cet "exercice de style", est plus soucieux du caractère divertissant de l’émission que de son contenu, et davantage préoccupé à se faire juge et partie, au risque de ne pas laisser les invités répondre eux-mêmes aux attaques qui leur sont adressées.

A plusieurs reprises, les invités se coupent la parole, comme c’est la coutume dans un débat. Mais l’interruption de parole vient systématiquement du même côté, celui des détracteurs, comme s’ils craignaient de perdre ainsi leur position dominante. Et, contrairement aux défenseurs du "oui", lorsqu’ils la prennent, ils refusent de la rendre. Chez Stéphane Bern, la parole est prise, jamais empruntée…

En outre, le journaliste de France 2 se fait souvent l’avocat du diable en faveur des parapsychologues mais, comble de l’hypocrisie, il les laisse rarement aller au bout de leur propre argumentation. Alors que pour un professeur de médecine, une "sommité qu’on doit laisser parler", le traitement est plus favorable.

Enfin, les quelques interventions qui se veulent drôles (le micro-trottoir du faux policier et les blagues potaches du responsable du faux Centre d'Appels) soulignent jusqu’à quel point l’émission ne cherche pas à répondre aux questions qu’elle soulève. Seul l'invité témoin, Yann Moix, semble prendre toute la mesure de l'enjeu.

Tout le problème est là ! Selon les propres mots du présentateur, L’Arène de France est un "artifice d’éloquence". Et son intention s’arrête là ! Vous n’assisterez jamais à un débat d’idées, malgré les conditions, parfois de bon augure, avec lesquelles se font les échanges verbaux. C’est juste une plaidoirie-spectacle, sans enquête, ni procès. D'ailleurs, Patrick de Carolis, président de France Télévision, commencerait à s'inquiéter sur le bien-fondé de ce programme, condamné à des "ajustements"...

Quand est-ce que les phénomènes inexpliqués qui suscitent encore tellement d’intérêt, malgré la polémique, pourront bénéficier d’une vraie tribune ?

Pas à la télévision, en tous cas !

O.V. et E.F.

Pour aller plus loin :

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