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"Je ne pensais pas, avant d’avoir lu les textes de Lovecraft, qu’un livre pourrait me flanquer la frousse." Eric Henninot

Si vous aimez la BD et le paranormal, plongez-vous dans cette nouvelle série publiée chez Albin Michel collection Post Mortem, "Alister Kayne, chasseur de fantômes" de Stéphane Betbeder et Eric Henninot. L'originalité de l'histoire repose sur le fait que le protagoniste, Alister Kayne, meure dès le début à la suite d'un mystérieux suicide ! Le scénario est donc construit sur le mode du flash-back et c'est le fantôme du héros qui nous fait voyager à travers ses souvenirs. Avec son âme, le lecteur remonte le temps jusqu'à l'époque victorienne, empreinte d'occultisme et de magie, où a été scellé son destin à la fin du XIXème siècle dans les rues de Whitechapel. Il côtoie des figures emblématiques comme le grand magicien Houdini ou Sir Arthur Conan Doyle, féru de spiritisme.

Propos recueillis par Olivier Valentin.

Maison-Hantee.com : Comment la mécanique des fluides vous a-t-elle conduit au dessin ?

Eric Henninot : Il a fallu nager un bon moment à contre courant, mais on fini par y arriver….

Maison-Hantee.com : Dans quelles circonstances avez-vous rencontré Stéphane Betbeder, le scénariste de "Alister Kayne" ?

E.H. : Stéphane a découvert mon boulot sur mon site Internet et m’a proposé de travailler avec lui sur un projet. Il avait déjà une petite expérience de la BD, ayant réalisé Anna avec Christophe Bec au dessin, et ce qu’il m’a fait lire m’a plu. Nous avons donc rapidement entamé le montage du dossier. Comme il est sur Toulouse et moi à Marseille, nous avons bossé par téléphone et e-mail, ça marche très bien.

Maison-Hantee.com : A l’origine, votre bande dessinée devait s’intituler "Harry Price, chasseur de fantômes". Pourquoi ce changement de nom ?

E.H. : En fait, Harry Price est un personnage réel ayant vécu au début du 20ème en Angleterre, il était chasseur de fantômes (1) et Stéphane s’est inspiré de sa biographie pour écrire Alister Kayne. Au départ nous voulions vraiment garder son nom, car même si l’histoire que nous écrivions était romancée, que c’était une fiction et non pas une biographie fidèle, nous voulions vraiment l’ancrer dans une réalité historique, pour lui donner plus de poids et de crédibilité. De plus, notre personnage croise Doyle et Houdini dont nous n’avons pas changé les noms, et il nous semblait logique de conserver ce nom d’Harry Price. Mais notre éditeur n’a voulu prendre aucun risque avec les ayants droits de Price…. Bref, on a dû changer de nom. Et après tout, ça se justifie aussi dans la mesure où ce récit est une fiction, qui n’est qu’inspirée de la vie de Price. Mais ça a été dur de faire le deuil de ce nom car nous avons travaillé longtemps à ce personnage d’Harry Price et lorsqu’il a fallu l’appeler autrement, ça n’a pas été évident de s’y faire.

Maison-Hantee.com : Il est évident que le célèbre chasseur de fantômes britannique Harry Price a inspiré votre travail. Qu’est-ce qui vous a passionné dans la vie de cet homme controversé ?

E.H. : Ah la la, mais c’est une question pour mon scénariste ça !! Mais si je peux me permettre de répondre quand même, sans doute parce que justement il était controversé et que cela en fait un personnage complexe et intriguant.

Maison-Hantee.com : Pourquoi avoir choisi le flash-back comme principe narratif ?

E.H. : Ah la la, encore une question pour mon scénariste !! Mais je ne suis pas sûr que lui-même soit vraiment en mesure de vous répondre. En fait, nous commençons seulement, à la fin du second tome, à comprendre réellement les implications de ce mode narratif. Et le personnage principal n’est finalement peut-être pas celui que l’on croit...

Maison-Hantee.com : Qu’est-ce qui vous inspire graphiquement ?

E.H. : La réalité. Les photos de l’époque.

Maison-Hantee.com : Pouvez-vous nous parler du tome 2 annoncé en juillet 2005 par votre éditeur Albin Michel ?

E.H. : Et bien ce sera vraiment un super bouquin !!! Achetez-le ! Plus sérieusement, je crois que ce sera assez différent du premier, le rythme est beaucoup plus fluide, avec une narration plus linéaire et moins de sauts dans le temps. On se concentre sur une plus petite période de la vie d’Alister où il sillonne le vieux continent et se confronte de manière plus brutale au surnaturel. Il  y a même de l’action, c’est dire. Par contre pas de femmes nues, ça c’était dans le premier. On fait des concessions, mais faut pas pousser quand même. Pour ma part je pense avoir fait pas mal de progrès graphiquement…. Enfin moi je suis assez content de mon évolution. C’est déjà ça ! J’espère que les lecteurs seront de mon avis. En fait c’est un peu difficile d’en parler car nous n’avons pas beaucoup de recul la dessus. Nous comptons vraiment sur les lecteurs pour nous donner leurs impressions sur ce second volet.

Maison-Hantee.com : Comme Alister Kayne et son compagnon d’enfance, seriez-vous prêt à passer une nuit entière dans une maison hantée aux côtés de Stéphane Betbeder ?

E.H. : Ah oui tiens, c’est une bonne idée ça ! Je crois que Stéphane l’a déjà fait plusieurs fois, et je ne sais pas s’il serait partant pour réitérer l’expérience. Enfin pour ma part c’est un domaine qui m’est totalement inconnu.

Maison-Hantee.com : Avez-vous déjà participé à une séance de spiritisme ?

E.H. : Non, jamais. Mais comme tout le monde, j’ai eu droit au récit de témoins directs lors de soirées plus ou moins arrosées, à grands renforts de yeux écarquillés et de "je te jure". Tout le monde connaît au moins une ou deux personnes dans son entourage ayant vécu ce type d’expériences "étranges".

Maison-Hantee.com : Quels sont les romans et/ou films fantastiques qui vous ont marqué ? Pourquoi ?

E.H. : Je crois que je vais un peu vous décevoir, mais le fantastique n’est pas vraiment mon domaine de prédilection. Et comme en plus je suis relativement inculte, ça n’arrange rien. Je ne suis même pas sûr de ce que ce terme recouvre réellement. Bon je suis un peu de mauvaise foi, en fait j’adore Lovecraft. C’est bien du fantastique ? (rires) Je ne pensais pas, avant d’avoir lu ses textes, qu’un livre pourrait me flanquer la frousse. Il y parvient à merveille. C’est véritablement terrifiant.

Maison-Hantee.com : Albin Michel a récemment publié la BD "Ne touchez à rien" (de Frédéric Bézian et Noël Simsolo) qui s’inscrit également dans le genre fantastique. L’avez-vous lue ? Si oui, qu’en avez-vous pensé ?

E.H. : C’est un peu difficile car je voudrais me fâcher avec personne… Pour moi, ce bouquin (2) est d’une rare beauté, je suis vraiment fan du travail de Bézian et j’ai été fasciné par la qualité de son graphisme une fois de plus. C’est d’une très grande force et quelle que soit l’époque où il nous transporte, on y croit à la première image, instantanément. Je me suis confronté à ce problème dans le tome 1 d’Alister où l’on saute sans arrêt d’une époque à une autre, et pour moi ce qu’il est parvenu à faire, c’est une véritable prouesse dont je me sens tout à fait incapable. En tout cas pour le moment. Je l’envie vraiment beaucoup pour cela. Malgré cela, j’ai trouvé les histoires assez décevantes et finalement assez prévisibles, malgré une idée de départ vraiment très forte.

Maison-Hantee.com : Quels titres de BD vous passionnent ?

E.H. : Ouf…. Il y en a beaucoup, mais celui qui vient en tête pour moi, c’est vraiment "Nausicäa" de Miyazaki. "Blame" de Nihei me fascine terriblement, j’ai adoré aussi "Akira"  et "Apple Seed", surtout parce qu’on n’y comprend rien et que c’est beau. Je suis un grand fan aussi de "Kaarib" de Calvo et Krassinsky. C’est très beau et encore plus incompréhensible que Shirow, un must que je conseille à tout le monde. Bon je m’arrête la, il y a beaucoup de mangas, désolé pour les puristes. Ce n’est pas de ma faute si les japonais sont bons quand même ! (rires)

(1) Voir sur notre site : Harry Price et la hantise du presbytère hanté de Borley
(2) Voir sur notre site : "Ne touchez à rien" de Frédéric Bézian et Noël Simsolo