Après le film choc "From
Hell" des frères Hughes sorti en 2001*, Jack l'Eventreur, l'un
des criminels les plus célèbres de l'histoire, a encore frappé !
Nekocorp, label "jeux de société" de la maison d'édition de jeux de rôle
"7ème cercle" vient de sortir "London 1888", un jeu de plateau pour 4 à
8 joueurs dans lequel chacun incarne un personnage-clef de la
mystérieuse affaire des meurtres de Whitechapel. Une nouvelle occasion
de revenir aux sources du mythe...
Par
Olivier Valentin
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Lorsque deux spécialistes de
l'image, passionnés d'ambiance victorienne, décident de se
réunir pour sacrifier de nombreuses nuits à l'élaboration d'un
jeu sur Jack l'Eventreur, le résultat est saisissant ! Tous deux
aux commandes d'un studio de création graphique, W.I.P. (Work In
Progress), Damien Maric et Stephan Kot élaborent des univers
narratifs et visuels aux frontières de l'étrange, des méthodes
de travail et des technologies audiovisuelles au service de la
communication et des médias. Pour "London 1888", c'est un thème
sombre et mystérieux qui a été privilégié. Conçue à partir de
photos d'archives de l'époque, la charte graphique, déclinée en
cartes et plateau de jeu, respecte l'esprit décadent et torturé
d'une ville en proie aux crimes les plus effroyables. |
Entre Cluedo et
murder-party
A mi-chemin entre le
jeu de rôle sur table et le jeu de plateau, "London 1888" retrace
l'histoire du meurtrier dont l'identité reste aujourd'hui un mystère,
malgré les nombreuses théories qui ont jalonné le 20ème siècle. C'est
pourquoi, il est plus facile de se glisser dans la peau du tueur comme
l'y invite ce jeu de stratégie. Vous pouvez aussi choisir d'incarner un
innocent ou un complice. Peu importe puisqu'à chaque partie, à l'intérêt
sans cesse renouvelé, le criminel se cache derrière l'un d'entre vous.
Et c'est à vous de le découvrir en temps réel. S'appuyant ainsi sur les
ressorts de la murder-party, célèbre jeu de rôle qui consiste à
démasquer un assassin parmi des joueurs grâce à des épreuves de
communication et de déduction, chaque joueur a une mission différente en
fonction de son personnage. Jack l'Eventreur ne doit pas se faire
arrêter, avant d'avoir accompli ses cinq derniers meurtres, quitte à se
suicider si son identité venait à être découverte. L'innocent doit aider
la police à capturer l'assassin et le complice doit tout faire pour
protéger son patron.
Inspiré par la
véritable affaire de l'Eventreur qui secoua Londres en 1888, le scénario
reproduit avec fidélité les situations et les protagonistes de
l'enquête. Au travers d'actions et de décisions, laissées à
l'appréciation des joueurs, des équipes se forment à chaque tour et
selon des stratégies initiées par un événement imposé. Une véritable
chasse à l'homme est alors engagée dans les rues de la capitale
britannique, reproduites avec exactitude sur un plateau, à la manière
d'une carte d'époque.
Emma Smith et Martha
Tabram viennent d'être sauvagement assassinées dans le district de
Whitechapel. Nous sommes à Londres, en 1888. Il reste peu de temps avant
que cinq autres meurtres soient commis. Et surtout, avant que Jack
l'Eventreur ne disparaisse définitivement, laissant Scotland Yard dans
l'impossibilité de le confondre.
En attendant de vous
plonger entre amis dans ce jeu passionnant, Maison-Hantee.com vous
invite à remonter le temps sur les traces du meurtrier le plus célèbre
de l'histoire et qui fait encore couler autant d'encre qu'a été versé de
sang !
Attention, âmes
sensibles s'abstenir...
La véritable
affaire de Jack l'Eventreur Révélé au
public victorien par une lettre adressée le 25 septembre 1888 aux forces de police, le
surnom de "Jack LEventreur" est apparu en pleine période
deffervescence sociale, politique et scientifique. Il fut à la fois une nouvelle
source de mythes pour le public en mal de sensations, un prétexte de débat politique
entre libéraux et conservateurs et loccasion pour les autorités londoniennes
déprouver la fragilité de leurs techniques denquête.
Entre août et
novembre 1888, une vague de meurtres visant les prostituées de Whitechapel déferle dans
les bas-fonds de Londres. Les policiers font montre dune incroyable impuissance face
au tueur qui devient dans la presse une sorte de "croque-mitaine". Succombant au
syndrome de Stockholm, la population est à la fois terrifiée et fascinée par cette
folie meurtrière et Jack lEventreur ne tarde pas à devenir un personnage
mythologique, mi-homme mi-démon.
En effet, à
la fin du XIXème siècle, lAngleterre victorienne sest retrouvée
prisonnière dun carcan socio-culturel qui réprimait tout ce qui sécartait
des règles de bienséance et des valeurs établies. Or, dans ce contexte de contrastes
où la pauvreté de certains milieux sopposait à la richesse de la bourgeoisie,
tout ce qui pouvait transgresser la morale devenait une source dintérêt et de
fascination. Cest lépoque où des monstres célèbres comme Dracula,
Frankenstein ou le Dr Jeckyll voient le jour dans la littérature dépouvante et
remportent un franc succès auprès dun public avide de détails insolites et
interdits.
Laffaire
de Whitechapel est donc une aubaine pour les journaux qui réussissent à capturer
lattention morbide dune population de plus en plus instruite et à
létroit dans son système de valeurs.
Tout commence
par le meurtre de Mary Ann Nichols, dite "Polly", le vendredi 31 août 1888. Il
est 3h40 du matin lorsque Charles Cross découvre le cadavre mutilé dune femme
âgée de 43 ans. Ironie du sort : elle avait été mise à la porte de chez elle
deux heures plus tôt par son propriétaire qui lui réclamait son loyer.
"Jaurais bientôt de quoi payer" avait-elle répondu. "Regarde le
beau chapeau que jai là
". Se sentant plus élégante pour attirer les
clients, elle avait payé de sa vie ses déambulations nocturnes.
Les journaux
semparent de lhistoire et nhésitent pas à relier lassassin de
Mary Ann Nichols aux meurtres dEmma Smith et de
Martha Tabram survenus
respectivement le 3 avril et le 6 août de la même année.
Un suspect
surnommé "tablier de cuir" est désigné par les prostituées comme un client
agressif. Mais la police nobtient ni son nom, ni son adresse. Comme seul indice,
elle sait que le tablier de cuir est la tenue de travail des bouchers, charpentiers et
cordonniers, emplois largement occupés à cette époque par la population juive
londonienne.
Le 8 septembre
à 5h30, Annie Chapman est aperçue pour la dernière fois en compagnie dun individu
portant un long manteau en forme de cape. Elle est retrouvée égorgée et éventrée une
demi-heure plus tard par John Davis dans la cour intérieure du n°29 dHandbury
Street. Le meurtrier sest échappé sans difficulté en se mélangeant à la foule
matinale. Aujourdhui, on raconte que le fantôme dAnnie Chapman hante encore
cette rue chaque anniversaire de sa mort.
La tension
monte car la presse renforce la thèse du tueur au tablier de cuir en rapportant la
découverte dun tel indice près du cadavre de Chapman. La population sen
prend alors aux juifs et la police intensifie tant bien que mal ses recherches. Or, sans
doute pour calmer les esprits, John Pizer, un suspect de 36 ans, est arrêté le 10
septembre par le Sergent William Thick au 22 Mulberry Street mais rapidement mis hors de
cause par de solides alibis.
Le 30
septembre vers 1h00, Louis Diemschutz qui revient du club où il travaille est alerté par
le comportement de son poney qui refuse dentrer dans la cour de son logement.
Constatant la présence dune femme allongée derrière la barrière, il la
soupçonne dabord dêtre sa propre femme, en état débriété. Mais il
découvre avec horreur le cadavre dElizabeth Stride, la gorge tranchée,
probablement la troisième victime de Jack lEventreur. Contrairement aux autres,
elle na pas été éventrée. Ce qui conduit la police à penser que le meurtrier a
été dérangé dans sa besogne par larrivée de lattelage. Mais pas assez
tôt
La veille, à
8h30 du soir, un policier arrêtait Catherine Eddowes pour ébriété sur la voie publique
et lemmenait au poste de Bishopsgate. Sitôt dessaoulée, elle était relâchée 4
heures et demi plus tard.
A 1h35, on la
voit en compagnie dun client potentiel quelle nhésite pas à toucher.
Dix minutes plus tard, P.C. Watkins alerte la police. Il vient de trouver le corps
atrocement mutilé de Catherine à Mitre Square. Sans doute frustré de ne pas avoir pu
terminer son travail tranquillement sur Annie Chapman, le tueur sen est pris à une
autre prostituée en redoublant de violence. Dans son massacre, il a égorgé sa victime,
la éventrée et lui a tailladé le corps, crevé les yeux, lacéré le nez et ôté
lutérus ainsi quun rein ! Cette effroyable mise en scène semble avoir
fortement inspiré la créativité de Madame Tussaud pour la Chambre des Horreurs de son
célèbre musée puisque lhorreur répugnante a été fidèlement reproduite et ne
manque pas de satisfaire lappétit macabre des touristes.
La même nuit,
vers 2h50, le constable Alfred Long met la main sur un morceau de vêtement ensanglanté
dans la cage descalier du n°48 de Glouston Street. Cest ici que le meurtrier
sest essuyé les mains et la lame de son couteau avant de prendre la fuite. Il a
également écrit à la craie sur une porte "les juifs sont ceux qui ne seront pas
blâmés pour rien". Cherche-t-il à adresser un message à la police ? Ou une
fausse piste ? Quoi qu'il en soit, le message fut effacé pour éviter
déventuelles émeutes. Bavure qui ôta aux enquêteurs la possibilité
dobtenir lécriture du tueur ?!
Après ce
double meurtre, une lettre signée Jack lEventreur et adressée à la Central New
Agency est immédiatement publiée. Le surnom que le tueur sest donné attise
limagination du public, même si ce courrier est suspecté dêtre le canular
dun journaliste.
Cest le
9 novembre que lEventreur va disparaître aussi mystérieusement quil est
apparu. Mais avant de devenir une énigme, il inscrit un dernier crime dans le summum de
lhorreur. Entre 3h30 et 4h00, un hurlement crève le silence de la nuit. Malgré la
signification évidente du cri ("Au meurtre !"), personne ny prête
attention. Plus tard, un percepteur frappe à la porte pour réclamer à
Mary Jane Kelly,
une irlandaise de 35 ans, le paiement de son loyer. Nobtenant pas de réponse, il
glisse un il par la fenêtre et aperçoit une effroyable scène de crime. La
sauvagerie du tueur a été telle quil est pratiquement impossible de reconnaître
la victime. Et pourtant, il sagit bien de la dernière victime de Jack
LEventreur, celle quon a entendu appeler au secours pendant la nuit et que
personne na arraché aux mains déchaînées du tueur sans pitié.
Lautomne
cède la place à lhiver sans quaucun autre crime ne soit attribué à
lEventreur de Whitechapel. Toutes les hypothèses sont avancées pour déterminer
lidentité du tueur. Et même si ses motivations moralisatrices semblent évidentes
puisquil sest attaqué uniquement à des prostituées, le vrai mobile na
jamais été clairement établi. Les victimes, dâge et dapparences distincts,
ne se connaissaient pas entre elles et étaient toujours saoules au moment des faits. Le
tueur cherchait-il à exposer au monde victorien la décadence que beaucoup se refusait de
voir ? Ou bien suivait-il un plan plus personnel nourri de démence et de
stratégie ? Le profil psychologique de ce serial killer est un véritable cas
décole pour les "profilers". Le prototype même du monstre caché
derrière le respectable gentleman. Car pour de nombreux spécialistes, il ne faisait
quaucun doute que le meurtrier était de suffisamment bonne présentation pour
gagner la confiance de ses victimes.
Pour remonter
sa piste, la bonne méthode consisterait à passer son modus operandi à la loupe. Sa
manière de procéder était quasi chirurgicale, au sens propre comme au sens
figuré
Il séduisait
des proies faciles puisquen état débriété et désespérément à la
recherche dun loyer pour éviter lexpulsion. Sattaquant à des femmes
sans défense et peu méfiantes, il sarrangeait pour se retrouver seul avec elles.
Une fois, face à face, il profitait que leurs mains étaient occupées à remonter leurs
jupons pour les étrangler jusquà les rendre inconscientes si elles nétaient
pas déjà mortes. Puis, il les allongeait sur le côté, leur tranchait la gorge de
façon à ne pas être touché par les flots de sang et procédait à dautres
mutilations. Parfois, il prélevait un organe en guise de trophée mais toujours avec une
grande minutie. Cest ainsi quil procéda sur le cadavre de Catherine Eddowes
en ôtant un rein sans abîmer les organes adjacents. Daprès les chirurgiens qui
examinèrent les corps, cette opération ne pouvait avoir été menée que par un individu
doté de sérieuses connaissances en anatomie.
Jack
lEventreur était-il donc médecin ? Le premier suspect fut présenté comme
tel. En 1894, linspecteur Sir Melville Macnaghten chargé de lenquête,
rédigea un rapport et avança le nom de M.J. Druitt comme son meilleur suspect. Selon
lui, Druitt était un docteur âgé de 41 ans qui sest suicidé peu de temps après
le meurtre de Kelly. En réalité, cétait un avocat de 31 ans reconverti dans le
professorat ! Les allégations de Macnaghten ont alors vite perdu de leur
crédibilité.
En 1903,
Frederick Abberline, campé par le génial Michael Caine dans un téléfilm sur Jack
lEventreur, sans doute la meilleure réalisation à ce jour sur les aventures du
tueur, suspecta Severin Klosowski alias George Chapman. Mais les études récentes en
"profiling" ont écarté la piste de ce célèbre empoisonneur.
En 1910, Sir
Robert Anderson, commissaire adjoint à la Metropolitan Police, écrivit dans ses
mémoires que lEventreur était un juif polonais vivant dans la zone des crimes.
Linspecteur chef Swanson, à la tête des opérations à lépoque des faits,
annota les mémoires dAndersen en précisant que ce juif polonais sappelait
Aaron Kosminski. Mais tous les deux se trompaient sur de nombreux points, notamment le
profil psychologique du suspect, et cette thèse fut abandonnée.
Dautres
noms tels que Michael Ostrog ou Francis Tumblety ont circulé sur les listes des suspects.
Mais ce nest pas tout. Les différentes décennies du XXème siècle nont pas
été avare en hypothèses même fantaisistes ! Par exemple, une théorie sur la
culpabilité du Prince Albert Victor, Duc de Clarence et petit-fils de la Reine Victoria,
a été publiée dans les années 70. A cette époque, tout le monde voyait une
personnalité célèbre derrière le masque de lEventreur.
Pour
célébrer le centenaire de cette énigme, de nombreux ouvrages furent publiés durant la
décennie suivante. Un profil criminel du tueur a même été établi par une unité de
recherches du FBI.
Mais le
meilleur rebondissement dans cette affaire, officiellement close depuis 1892, fut la
découverte du journal intime de Jack lEventreur en 1992 et lanalyse qui en
fut faite par une journaliste du nom de Shirley Harrison. Daprès des enquêtes
menées en parallèle sur une affaire criminelle remontant à la même époque des faits,
le journal serait celui dun marchand de coton du nom de James Maybrick qui vécut à
Liverpool et fut empoisonné par sa femme Florie. Pour Harrisson, il ne fait quaucun
doute que le manuscrit est authentique et que les détails racontés par son auteur
relient Maybrick et lEventreur. Pourtant, sur leurs gardes depuis le canular des
Carnets dHitler, les experts nont pas retenu cette thèse plus quune
autre.
Il reste une
solution : la conspiration ! Selon certains, le nom du tueur est largement connu
des services de police mais tenu secret pour des raisons inavouables. Et si cétait
le cas, la vérité ne tarderait pas à exploser !
Quest-ce
qui fait la richesse de ce mythe ? Son secret ! Daucuns pensent que, pour
maintenir la suspense, il nest pas souhaitable que laffaire soit résolue. Or,
compte tenu du fait que de nombreuses archives ont été perdues et que la police de
lépoque navait pas encore accès aux méthodes modernes de criminologie, le
mystère sur lidentité de lEventreur a encore de beaux jours devant lui.
Dautant plus quen 1888, les seuls moyens dappréhender un meurtrier
était de lattraper sur le fait ou dattendre quil se constitue
prisonnier en confessant ses crimes. Dommage
O.V.
(*)
Actuellement en DVD chez Fox Pathé Europa
*****************************************************************
Pour
en savoir plus :
>>
Le site
officiel du jeu "London 1888" (à ne pas consulter la nuit !)
>>
Une théorie sur l'identité du tueur, à partir de l'étude du journal de
l'Eventreur : "Jack
l'Eventreur : Le journal, le dossier et la controverse" de Shirley Harrison, Le Livre de Poche,
1995
>> Une autre théorie,
plus artistique... : "Jack l'Eventreur : Affaire classée" de Patricia
Cornwell, Le Livre de Poche, 2004
>> Un
site en français très bien renseigné sur les tueurs en série
>> Un
dossier en anglais
sur "Jack The Ripper"
>>
Le
site officiel de
"From Hell" (en anglais) sur le film et la légende |