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Le succès du Da
Vinci Code, dont l’intrigue se déroule majoritairement à Paris,
a prouvé aux amateurs d’énigmes que la capitale française
dispose toujours d’une forte dimension fantastique. Nombreux
sont désormais les touristes qui suivent les traces (1) des
héros de Dan Brown, du Louvre à l’Eglise Saint-Sulpice, en
suivant la « Rose Ligne », à la recherche d’un mystérieux
trésor. Mais le roman n’a rien inventé : il a simplement servi
de révélateur à l’extraordinaire potentiel historique et magique
de Paris. Il a donné envie aux lecteurs de devenir des chasseurs
d’insolite. Qu’il y ait trésor ou non sous les pavés de la
ville, Paris regorge de lieux atypiques et de petites histoires
qui font la joie des piétons. |
Par Erick Fearson et Olivier Valentin
Bravant l’agitation urbaine et la chaleur
estivale, l’équipe de Maison-Hantee.com a sillonné les rues du vieux
Paris en quête de légendes surnaturelles. Vous qui aimez flâner dans les
allées ombragées des Jardins du Luxembourg ou des Tuileries, savez-vous
qu’ils sont hantés par de curieux fantômes ? Quelle est cette étrange
tour accolée à la Bourse de Commerce et liée au destin tragique de
Catherine de Médicis ? Quant aux admirateurs de Notre-Dame, se
doutent-ils que la célèbre cathédrale porte l’empreinte du diable ?
Voici le premier épisode d’une série d’enquêtes dans les coulisses du
Paris hanté…
Premier rendez-vous donné dans un petit
café du Carrefour de l’Odéon pour faire le point sur nos ghost
stories. Le constat est immédiat : il faudra faire plusieurs
visites, dont une exclusivement dédiée au cimetière du Père-Lachaise !
Nous sélectionnons donc les premiers sites, répartis entre le 6ème, le
5ème et le 1er arrondissement de Paris. Creusés par la faim, nous
rassasions nos estomacs et filons vers le rue de Vaugirard.
Les concerts privés de
l'homme à la redingote
En pénétrant dans le jardin du Luxembourg,
nous abandonnons avec plaisir la foule, le bruit et la circulation
parisienne. Nous allons pouvoir goûter à un peu de tranquillité,
condition essentielle pour chasser le spectre.
Notre joie est de courte durée. Il va être
difficile de traquer le fantôme aujourd’hui car il fait chaud et, de ce
fait, les espaces verts de la capitale sont envahis par les parisiens et
les touristes, en mal de calme et de soleil. Cependant, ce n’est pas
parce que nous ne le croiserons peut-être pas qu’il n’existe pas !
Quelques témoignages font état de sa présence. On peut donc penser que
l’homme à la redingote, comme on le surnomme, hante toujours les jardins
du Luxembourg.
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Le témoignage
le plus troublant fut sans doute celui de Jean Romier, jeune
étudiant en médecine. Au moment des faits, c’est-à-dire en 1925,
il avait 24 ans. Un beau matin de juin, le jeune homme décida de
réviser ses cours en profitant du parc. Il était dix heures
quand un vieil homme, affublé d’une redingote, s’installa sur le
banc où révisait l’étudiant. La conversation s’établit très vite
entre les deux hommes. Au cours de celle-ci, ils s’aperçurent
qu’ils avaient quelque chose en commun : la musique de chambre.
La discussion tourna donc autour de ce sujet. L’homme à la
redingote, qui s’appelait en réalité Alphonse Berruyer, confia à
Jean Romier qu’il organisait de temps en temps, chez lui, des
concerts intimistes. Il invita d’ailleurs l’étudiant à se
joindre au prochain concert. |
Le jeune homme se présenta donc à
l’appartement de M. Berruyer, au troisième étage d’un immeuble rue de
Vaugirard. Le vieil homme l’accueillit et l’invita à se joindre au
cercle d’amis qui attendait, avec impatience, dans le salon, le
commencement du petit concert. L’endroit était charmant bien qu’un peu
désuet car meublé à l’ancienne. Au cours de la soirée, Jean se rendit
dans le fumoir jouxtant le salon et fit la connaissance d’un jeune
séminariste qui l’entretint du rapport étroit entre la musique et le
spirituel. Il était minuit quand le jeune homme quitta l’appartement.
Sur le chemin du retour, il voulut allumer une cigarette mais ne trouva
pas son briquet. Il prit alors conscience qu’il l’avait oublié dans le
fumoir de l’appartement. Il fit demi-tour, monta les marches de
l’immeuble et frappa à la porte. Pas de réponse. Il réitéra ses coups
mais en vain ! Alerté par le bruit, un voisin sortit sur le palier et
lui expliqua que l’appartement était inhabité et que M. Berruyer était…
mort depuis vingt ans maintenant ! « Impossible » répliqua Jean Romier
puisqu’il était là il y a quelques minutes avec plusieurs amis. Le ton
monta et attira le concierge de l’immeuble. Prenant l’étudiant pour un
cambrioleur, toute l’équipe se retrouva au commissariat.
Le père vint y chercher son fils et se
porta garant de sa bonne foi. Pour éclaircir cette affaire, on fit venir
l’actuel propriétaire, un certain M. Mauger qui, d’ailleurs, n’habitait
pas l’appartement en question. Toute l’équipe se rendit donc à cette
adresse pour lever le voile sur cette mystérieuse affaire.
En pénétrant dans l’habitation, Jean
Romier fut frappé par le spectacle qui s’offrit à ses yeux :
l’appartement était complètement désert. Non seulement il n’y avait
personne, mais, plus étrange encore, il n’y avait plus aucun des meubles
qui, quelques heures auparavant, garnissaient l’endroit. Cependant, le
regard de l’étudiant fut attiré une photo jaunie par le temps et
encadrée au mur. Elle représentait le séminariste avec qu’il avait
discuté un long moment ! Plus étonnant encore : le jeune séminariste
n’était, ni plus ni moins, que le grand oncle de l’actuel propriétaire,
mort en Afrique ! M. Mauger se souvint également que M. Alphonse
Berruyer organisait des petits concerts privés ici-même. Mais le plus
extraordinaire fut pour la fin : le jeune étudiant entra dans la pièce
qui faisait office de fumoir et se dirigea vers la cheminée. A la
stupéfaction générale, il trouva sous une épaisse couche de poussière ce
qu’il a oublié plus tôt dans la soirée : son briquet !
Si vous voulez croiser le fantôme
de l’homme à la redingote, préférez la visite du parc à son
ouverture ou juste avant sa fermeture. Vous y serez plus
tranquille et dans l’état d’esprit adéquat pour percevoir le
monde de l’invisible.
Pluie de pierres
En traversant le boulevard
Saint-Michel, nous entrons dans le 5ème arrondissement,
direction la rue Cujas qui longe de prestigieuses maisons de
culte et de savoir : la Sorbonne, le Lycée Louis le Grand, la
bibliothèque Sainte-Geneviève, le Panthéon, l’église
Saint-Etienne du Mont et le lycée Henri IV (rue Clovis). |
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L’explication de cette traversée nous est
donnée par la Gazette des Tribunaux datée du 2 février 1846 (2) : une
nouvelle rue a été percée pour joindre la Sorbonne au Panthéon et à
l’Ecole de Droit. Or, cette même gazette rapporte un fait étrange
concernant le percement de cette rue : « Dans les travaux de
démolition (…), se trouve le chantier d’un marchand de bois nommé
Lerible, chantier qui borne une maison d’habitation élevée d’un seul
étage, avec grenier. C’est cette maison, éloignée de la rue d’une
certaine distance (et séparée des habitations en démolition par les
vastes excavations de l’ancien mur d’enceinte de Philippe Auguste) qui
se trouve, chaque soir et toute la nuit, assaillie par une grêle de
projectiles qui, par leur volume et par la violence avec laquelle ils
sont lancés, produisent des dégâts tels qu’elle est percée à jour, que
les châssis des fenêtres, le chambranle des portes sont brisés, réduits
en poussière comme si elle eût soutenu un siège… »
Attirés par cette hantise inhabituelle et
alertés par l’emplacement d’un vestige de l’enceinte de Philippe Auguste
(rue Clovis, entre la rue Descartes et la rue du Cardinal Lemoine), nous
recherchons des traces de cette maison ou, du moins, son ancien
emplacement. En vain ! Nous nous laissons alors rêver à cette histoire
de pluie de pierres. La gazette s’interroge : « D’où viennent ces
projectiles qui sont des quartiers de pavés, des fragments de
démolitions, des moellons entiers qui, d’après leur poids et la distance
d’où ils proviennent, ne peuvent être évidemment lancés de main
d’hommes ? C’est ce qu’il a été jusqu’à présent impossible de découvrir.
En vain a-t-on exercé, sous la direction personnelle des commissaires de
police, une surveillance de jour et de nuit, en vain a-t-on lâché,
chaque nuit, dans les chantiers environnants, des chiens de garde, rien
n’a pu expliquer le phénomène que le peuple attribue à des moyens
mystérieux… »
Nous quittons la rue Clovis sans la
solution de l’énigme car les phénomènes auraient cessé aussi brusquement
qu’ils avaient commencé sans que le mystère ne fût éclairci.
Mauvaise tête
En redescendant la rue du Cardinal
Lemoine, nous tombons sur la rue Monge que nous suivons en direction de
la Seine. A la place Maubert, une petite rue rejoint le quai de
Montebello : la rue Maître Albert.
Qui pourrait penser que, dans cette rue
discrète, vécut Albert de Cologne (1193–1280), plus connu sous le nom
d’Albert le Grand. Théologien, savant orthodoxe et surtout magicien, il
a laissé, dans l’histoire, le plus célèbre grimoire de basse
sorcellerie : « Les merveilleux secrets du Grand et du Petit Albert ».
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Né en Allemagne, cet érudit
mystique a étudié à Padoue, à Bologne et à l’université de
Cologne avant de venir s’installer à Paris, rue Perdue, qui
aujourd’hui a été rebaptisé de son nom. Cet homme étonnant
donnait ses leçons sur la place Maubert, à quelques pas de là.
Il semblerait d’ailleurs que le nom de cette place soit une
déformation de son nom.
En plus d’être un alchimiste et un
occultiste incontestable, ce savant, particulièrement en avance
sur son temps, était aussi un spécialiste de l’exégèse des
écritures ! On sait aussi qu’il correspondait avec Raymond
Lulle, Arnaud de Villeneuve (magicien et philosophe) et surtout
Roger Bacon qui aurait, dit-on, découvert la pierre
philosophale… |
Nous nous trouvons au bout de cette petite
rue, devant son ancienne demeure, aujourd’hui transformée en restaurant.
C’est à cet endroit même qu’il aurait installé son laboratoire de
recherche, dans lequel il pratiqua l’alchimie, la magie cérémonielle et
la nécromancie. Bien heureusement pour lui, l’époque de la chasse aux
sorcières n’était pas encore survenue. Car nul doute qu’il aurait été
conduit au bûcher pour ses activités occultes à l’odeur de soufre.
Cependant, il eut quelques problèmes avec le pouvoir de l’époque,
notamment avec l’un de ses plus fameux disciples, le théologien Thomas
d’Aquin. Malgré son admiration pour le maître, le jeune Thomas n’accepta
pas la magie naturelle des plantes et condamna sévèrement l’astrologie
et la nécromancie. Moralité : rien n’empêche d’être l’un des plus fameux
théologiens de son temps et, en même temps, avoir un esprit complètement
fermé.
Dans l’obscurité de son laboratoire,
Maître Albert aurait fabriqué une incroyable tête artificielle, dotée de
mouvements et capable de répondre aux questions posées. Ce fait fut
attesté par de nombreux témoins. Et pour le dogmatique et intolérant
(n’est-ce pas là un pléonasme ?!) Thomas d’Aquin, ce fut une injure à la
création divine. De plus, le grand Maître ne se contenta pas de cela
puisqu’il invoqua aussi les esprits et fit parler les morts. C’en fut
trop pour le jeune théologien qui, après de longs débats houleux avec le
Maître de l’art, détruisit la tête démoniaque, à coups de bâton.
Aujourd’hui, si vous vous perdez dans
cette petite rue étonnamment calme, vous constaterez que l’esprit de
Maître Albert est omniprésent. Avec un peu de chance, vous y croiserez
peut-être sa silhouette spectrale éclairée par les rayons lunaires…
L'orfèvrerie du diable
Traversant la Seine par le Petit Pont,
nous nous retrouvons face à l’immense cathédrale de Notre-Dame,
sollicitée sans relâche par des hordes de touristes. Mais il est inutile
de faire des heures de queue pour admirer un prodige de sa construction.
Au portail central, aujourd’hui restauré, de lourdes portes sont
décorées de serrures et de paumelles, que l’on dit être l’œuvre de
Satan…
Par la construction de leurs ferronneries,
ces portes sont une énigme ! Au début du 14ème siècle, les chanoines
commandèrent ces étonnantes ferronneries à un jeune serrurier ambitieux
du nom de Biscornet. Il accepta cette occasion en or. Cependant, il y
avait un problème, et de taille ! Le travail était gigantesque pour la
petite forge de Biscornet. Qu’à ne cela ne tienne ! Satan étant dans
toutes les conversations de l’époque, le jeune serrurier courageux
décida de faire appel à ses services. Il se rendit dans les bas-fonds de
l’île Saint Louis et alla à la rencontre d’un suppôt de Satan. Avec son
sang, il signa un pacte avec le monarque des Enfers qui lui assura que
le travail serait fait à temps.
Les jours passèrent mais le travail
avançait lentement, trop lentement. La veille du jour de la livraison de
son œuvre, Biscornet tomba en syncope. À son réveil, les chanoines de
Notre-Dame admirèrent et s’extasièrent sur ces extraordinaires
ferronneries dont le jeune serrurier n’était pas l’auteur… Satan avait
rempli sa part du marché !
Aujourd’hui encore, ce travail suscite
l’admiration et l’étonnement. Voici ce qu’en dit en 1724 l’historien
Paul Sauval :
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« Ces portes
sont admirées par tout ce qu’il y a de serruriers. Le bas est
tout couverts de bouillons et de revers de feuilles tournées et
travaillé avec étonnement, tant pour la grandeur que pour la
beauté de l’ouvrage. D’autant plus que ceux du métier n’ont pu
connaître sa fabrique, car les uns croient que c’est du fer
moulé qu’ils appellent « fer de barreau » ; d’autres disent
qu’il est fondu et limé ; d’autres prétendent qu’il est battu au
marteau… Ce qui est certain, c’est que le secret fut perdu par
la mort de Biscornet, qui avait si peur qu’on ne le lui dérobât
que personne, à ce qu’on dit, ne l’a vu travailler… ». Un
autre mystère est lié à ces portes. On posa les vantaux
cérémonieusement et très rapidement. Ceci fait, il fallait se
rendre à l’évidence : il était impossible de les ouvrir ! Pour
cela, on dût les asperger d’eau bénite et réciter l’exorcisme… |
Durant les semaines qui suivirent, le
jeune serrurier demeurait introuvable. Était-il terrorisé ? Car le pacte
était clair. Satan avait rempli sa part du marché, Biscornet devait
maintenant lui offrir son âme. Il ne pouvait s’y soustraire. Peu de
temps après, il mourut. Mais on raconte que, sur sa tombe au cimetière
des innocents (à l’emplacement actuel des Halles), son fantôme faisait
de fréquentes apparitions psalmodiant d’étranges et obscures invocations
sataniques. Alors, le soir venu, si vous faîtes une ballade dans le
quartier, ne vous étonnez pas de croiser un serrurier à l’allure
étrange, venu d’un autre temps. C’est peut-être le spectre de Biscornet
cherchant à sauver son âme…
Abandonnant le fantôme de Biscornet à ses
négociations avec l’au-delà, nous longeons la Seine par le quai de la
Mégisserie et profitons des bouquinistes pour dénicher un exemplaire
épuisé du Guide de la Bourgogne et du Lyonnais mystérieux aux éditions
Tchou Club Princesse.
L'astrologue de la reine
Au Louvre, nous tournons à droite et
remontons la rue de l’Amiral de Coligny jusqu’à la rue du Louvre. Au
niveau de la place des 2 Ecus, on distingue, sur la droite, un édifice
circulaire entouré par la rue de Viarmes : la Bourse de Commerce,
construite sous le règne de Louis XVI. En contournant le bâtiment par la
droite, nous tombons au pied d’une colonne de 31 mètres de haut, seul
vestige d’un palais royal autrefois connu comme l’Hôtel de la Reine.
Au 16ème siècle, Catherine de Médicis,
alors reine de France, affectionnait les arts divinatoires. Avant chaque
décision importante, elle prenait l’habitude de consulter un astrologue
Florentin du nom de Cosme Ruggieri. Le rôle prémonitoire prêté aux
planètes à cette époque explique d’ailleurs l’origine du mot
« désastre »ou « des astres ». Très influent à la cour depuis 1559, ce
devin qui partageait sa réputation avec Nostradamus était un familier
des horoscopes, des talismans et des philtres en tous genres. Il fut
aussi mêlé à plusieurs affaires d’envoûtement qui lui valurent des
années de galères.
En 1572, alors que Ruggieri prédit à la
reine "qu’elle mourrait près de Saint-Germain", elle chercha à éviter à
tout prix les lieux qui portaient ce nom, tels que le château de
Saint-Germain-en-Laye et le Palais des Tuileries qui dépendait de la
paroisse de Saint-Germain-l’Auxerrois.
Elle ordonna
alors la construction d’une résidence à l’emplacement du couvent
des Filles-Pénitentes et, trois ans plus tard, d’un observatoire
astronomique dans l’encoignure de la cour intérieure (en haut à
droite sur l'image ci-contre). On y accédait par une porte
donnant dans l’appartement de la reine. Un escalier à vis de 147
marches, éclairé par d’étroites meurtrières, débouchait sur un
cabinet recouvert de verrières. Ainsi naquit l’Hôtel de la
Reine. |
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Cependant, malade et victime de la
disgrâce de ses amis, Catherine de Médicis se retira à Blois en 1588.
Son état s’aggravant, elle fut obligée de s’aliter. Se préparant au
pire, un jeune abbé du château lui donna l’extrême-onction le 15 janvier
1589. Au moment où il se présenta à la reine pour la première fois, son
nom provoqua la prostration puis la mort de cette dernière quelques
semaines plus tard : Julien de Saint-Germain !
Après le décès de Catherine de Médicis,
Ruggieri continua de scruter dans le ciel le destin des principaux
personnages de la Cour, du haut de sa tour. Mais ses positions à
l’encontre de l’église et ses nombreux blasphèmes lui attirèrent les
foudres du clergé jusqu’à sa mort. Ce dernier lui refusa une sépulture
en terre sainte et fit jeter son corps à la voirie après l’avoir donné
en spectacle dans les rues de Paris. Le traitement infligé à la
dépouille de cet énigmatique personnage expliquerait-il la légende selon
laquelle, les soirs d’orage, une longue silhouette noire apparaîtrait au
sommet de la tour, au gré des éclairs ?
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Après la mort
de Ruggieri en 1615, la colonne tomba en désuétude. L’hôtel,
transformé en luxueux tripot, fut démoli en 1748 et les
matériaux vendus pour payer les dettes de son dernier
propriétaire, le prince Victor-Amédée de Savoie. La Ville de
Paris en fit l’acquisition en 1750 grâce au don d’un passionné
d’arts, Petit de Bachaumont, qui l’acheta 1 500 livres pour la
préserver de la destruction.
De nos jours, la tour défie encore l’imagination. Malgré les
nombreux bouleversements survenus dans le quartier au fil du
temps, il est étrange qu’elle soit encore debout. A son pied, on
peut toujours voir les vestiges d’une fontaine, installée par la
Ville de Paris lors de son acquisition, restaurée en 1818 mais
aujourd’hui tarie. Au sommet, une carcasse métallique, ouverte
aux vents témoigne de l’ancien cabinet de Ruggieri. Un cadran
solaire y a existé entre 1750 et 1888. |
L’Hôtel de la Reine, devenu l’Hôtel de
Soissons en 1606, céda la place à la Halle-aux-blés en 1765 puis
à la Bourse de Commerce en 1889. A cette époque, le projet de déplacer
la colonne au centre de l’édifice circulaire avait même vu le jour avant
d’être abandonné.
La colonne n’a plus aucune communication
avec la Bourse de Commerce. Sa seule entrée demeure la petite porte
extérieure cadenassée. L’accès est interdit et la colonne astrologique,
qui est classée, ne se visite pas.
Avec prudence, n’hésitez pas à vous y
rendre un soir d’orage pour tenter d’apercevoir le spectre de Ruggieri,
prisonnier de sa cage métallique…
La chaleur est accablante. Une pause
rafraîchissante nous prépare à affronter le soleil du Jardin des
Tuileries à la rencontre de l’homme rouge. Nous y accédons par la rue de
Rivoli.
L'Ecorcheur des Tuileries
A nouveau, la légende de ce fantôme prend
sa source avec Catherine de Médicis. Avant la construction du Palais des
Tuileries en 1564, une aile entre le pavillon de Marsan et le pavillon
de Flore, se trouvait une petite résidence royale, une
sablonnière, une fabrique de tuiles et un abattoir où « officiait » un
écorcheur prénommé Jean. Sa trop grande connaissance des secrets de la
reine lui valut d’être assassiné. Les circonstances de son meurtre
demeurent obscures. Le criminel, qui s’appelait de Neuville, dut s’y
reprendre à trois fois pour l’occire. Avant de mourir, Jean l’Ecorcheur
eut le temps de proférer une menace : « Je reviendrai ! ». La prédiction
ne se fit pas attendre. Sitôt retourné auprès de la reine pour rendre
compte de sa mission, de Neuville eut la nette impression d’être suivi
par l’écorcheur, trempé de sang. Effrayé de brandir son épée face au
vide, malgré l’apparition, il retourna sur les lieux du crime. Plus
aucune trace du corps ! Seule subsistait une marre de sang. La victime
avait-elle survécu à ses blessures ? Le mystère commençait…
Terrorisé, de Neuville raconta son
incroyable aventure à la reine qui fit mine de n’y prêter aucune
attention. Mais, quelques jours plus tard, l’astrologue Cosme Ruggieri
rapporta à Catherine de Médicis une étrange vision. Alors qu’il se
prêtait à une séance de divination, il fut aussitôt plongé dans un
mystérieux brouillard duquel surgit un fantôme. Se prétendant
dépositaire de l’avenir des Tuileries, il prédit qu’il allait en chasser
Catherine et qu’elle mourrait près de Saint-Germain. Le fantôme annonça
aussi les déchéances successives des maîtres du château.
Perturbée par ces visions, Catherine de
Médicis regagna sa chambre. Mais, dans la pénombre d’une petite pièce,
elle tomba nez-à-nez avec le spectre de l’homme rouge. Ce jour-là, elle
décida de quitter les Tuileries pour une nouvelle résidence, l’Hôtel de
la Reine.
Dès lors, les apparitions de l’homme rouge
aux Tuileries furent de mauvais augures.
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Pendant la Révolution Française,
la famille royale était prisonnière aux Tuileries. Le spectre
rouge apparut à la reine Marie-Antoinette et fut attribué par sa
compagne, Mme de Campan, à un certain Jean Lerouge qui, quelques
jours plus tôt, avait hissé un cœur de veau au bout d’une pique
avec l’inscription "cœur d’aristocrate".
Sous l’Empire, le fantôme se
manifesta à Napoléon à la veille de Waterloo. Assis dans son
fauteuil, l’Empereur aperçut, dans un brouillard oppressant, la
silhouette de l’homme rouge portant un bonnet de laine semblable
au bonnet phrygien. On connaît le triste sort que subirent les
troupes impériales en Belgique le 18 juin 1815. Et la chute de
l’Empire qui s’en suivit…
Quant à Louis XVIII, hôte des
Tuileries après Napoléon, son frère, le Comte d’Artois, qui
traversait le jardin du château crut voir les fenêtres du
cabinet royal s’empourprer d’une lumière ardente. |
Le lendemain, le roi lui confia qu’il
avait été victime de l’apparition d’un homme couleur de sang. Le Comte
fit le rapprochement avec son expérience de la veille. Ce qui n’inquiéta
nullement Louis XVIII. Pourtant, le roi décéda quelques jours plus tard
des suites d’une brusque dégradation de santé. Le monarque a-t-il été
victime d’une maladie psychosomatique ou d’un authentique cas de hantise
prémonitoire ? Nul ne le sut jusqu’à la chute des Tuileries en mars
1871.
Un gigantesque incendie qui dura trois
jours provoqua l’explosion du pavillon central, bourré par les insurgés
de poudre, de goudron liquide, d’essence de térébenthine et de pétrole.
Dans le brasier, on raconte qu’un spectre de pourpre fit une dernière
apparition aux fenêtres de la salle des Maréchaux. Le fantôme de l’homme
rouge qui, comme il l’avait prédit à Ruggieri, faisait ses adieux avant
de disparaître avec les Tuileries ?
Aujourd’hui, de l’ancien château, il ne
subsiste que deux annexes, à l'autre bout du jardin (côté Concorde), datant de 1853 : l’Orangerie (actuellement
en rénovation) et le Jeu de Paume (occupé par un musée). Dans le jardin,
voulu par Catherine de Médicis et qui fait de nos jours la joie des
promeneurs et des oiseaux, on goûte à la splendeur des bassins, des
espaces verts et des statues agencés dans une remarquable perspective,
de la place de la Concorde au Louvre. On imagine le faste d’un palais
qui connut trois siècles d’histoire mouvementée et disparut dans la
fournaise, victime de l’insurrection populaire. Comme l’avait prévu Jean
l’Ecorcheur…
Le soleil décline dans le ciel de Paris.
Il est temps de laisser la ville et ses fantômes profiter des dernières
lueurs du crépuscule. Nous formulons le vœu de nous retrouver
prochainement pour explorer les allées du cimetière du Père Lachaise, la
plus vaste nécropole de la capitale où plus de six cent mille corps
gisent dans l’attente du Jugement Dernier.
E. F. et O.V.
>>
Les
Mystères de Paris - 2ème partie : Le cimetière du Père-Lachaise
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(1) Pour en savoir plus, consulter
l’excellent guide de Peter Caine « Sur les pas du Code Da Vinci » publié
en avril 2005 aux éditions Bartillat. Réalisé par le fondateur de
Paris Walks, organisateur de visites thématiques de Paris, ce guide
s’appuie sur les lieux-clefs du roman de Dan Brown et va au-delà en
proposant de nombreuses idées de ballades insolites dans le Paris
ésotérique.
(2) Cité dans le « Guide de Paris
mystérieux », Editions Tchou, réédition 2001, p.281-282
Bibliographie
Paris secret et insolite, Rodolphe
Trouilleux, Parigramme, Janvier 2003
Guide du Paris savant, Anna Alter
et Philippe Testard-Vaillant, Belin, Juin 2003
Guide de Paris mystérieux, Les
Guides Noirs nouvelle édition, Tchou, Juillet 2001
Evocation du Vieux Paris, Jacques
Hillairet, Les Editions de Minuit, 1960
Sur les pas du Code Da Vinci, Peter
Caine, Bartillat, Avril 2005
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©
Crédits photographiques : Olivier Valentin |