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Propos recueillis par Olivier Valentin

La maison de Claude Lecouteux est hantée ! Mais par qui ? Ou par quoi ? Point de fantôme, ni de revenant dans le nouvel opus de ce professeur de littérature et de civilisation au Moyen Âge à la Sorbonne, spécialiste des créatures mythologiques, des morts et de la magie, des centres d'intérêts qui lui ont valu la déconsidération de bon nombre de ses collègues universitaires.

En effet, ses détracteurs, bien qu’ignorants en la matière, lui reprochent de s’être fourvoyé hors des sentiers battus. C’est bien mal connaître ce chercheur en anthropologie qui, doué pour lire de nombreuses langues anciennes, sait décrypter les vieux écrits tombés dans l’oubli. A quelques jours d’une retraite bien méritée, il m’a reçu chez lui, dans son bureau, fier de sa bibliothèque et de ses collections, hommages d’un patrimoine caché qu’il a revisité en fin limier des traditions populaires. Silhouette chétive, barbe grisonnante, expression soignée, Claude Lecouteux manipule son sujet avec humour et dextérité. Il n’embrasse aucune superstition à l’aveugle. Pour lui, tout a du sens, même l’extraordinaire. Il n’hésite pas à égratigner les idées reçues pour nous faire entrer, par la petite porte de l’histoire des mentalités, dans un univers étrange peuplé de fées, de sorcières, de vampires, d’elfes et de fantômes.

A l’heure où notre société s’est industrialisée à outrance, en proclamant toutes puissantes la raison et la science dès l’âge des Lumières, un écrivain cherche à comprendre ce qui, malgré tout, réenchante le monde. Les poltergeists font partie de ces phénomènes qui, au-delà des tentatives sérieuses d’explication, alimentent toujours les fantasmes. Pourquoi ? Parce que l’homme a besoin de surnaturel. C’est un besoin vital qui fait partie de ses gènes, depuis la nuit des temps. Et pour longtemps encore…

Maison-Hantee.com : Professeur, après les fées, les sorcières, les loups-garous, les vampires, les nains, les elfes, les fantômes et les revenants, vous vous êtes intéressé pendant 6 ans aux poltergeists, ces esprits frappeurs qui envahissent les maisons hantées. Pourquoi ce sujet qui échappe à votre répertoire mythologique habituel pour nous faire entrer dans le monde plus scientifique de la parapsychologie ?

Claude Lecouteux : D’abord, il y a une filiation naturelle avec d’autres ouvrages que j’ai rédigés. En étudiant les nains, les elfes, les démons du terroir ou les génies de la maison, mon attention a été attirée par des motifs récurrents, sans explication véritable. Ces motifs sont le bruit, le tapage, des déplacements d’objets que j’avais déjà côtoyés lors de mon étude sur les fantômes et les revenants. Surtout des revenants. Je suis alors tombé sur un problème. Jusqu’à présent, j’ai toujours réussi à remonter le long des filiations entre les être fantastiques. Puisque, au fil des siècles, des traditions de provenances diverses se sont amalgamées, stratifiées, pour donner les individus que l’on connaît dans les contes, les légendes ou les romans, et même au cinéma. En revanche, concernant les poltergeists, j’ai eu plus de mal à démêler la toile. Tout ce qui avait été écrit n’était pas satisfaisant pour moi. J’ai inévitablement fait le rapprochement avec le phénomène parapsychologique, dont la dimension scientifique est reconnue aujourd’hui, la psychokinèse. J’en ai d’ailleurs discuté avec le Docteur Philippe Wallon, auteur de Expliquer le paranormal (1). Certes un livre sortait du lot, celui d’un jésuite anglais, Herbert Thurston (2), mais aucune référence, ni rien de vérifiable. Ce qui est contraire à ma méthode de travail.

J’ai alors pris conscience que tous les témoignages dataient du 19e siècle. Je me suis dit : aurions-nous eu subitement une recrudescence des phénomènes de poltergeist à cette époque-là ? Pas possible. Car, dès lors que c’est entré dans le psychisme humain ou la physiologie humaine, on peut remonter plus loin. Ce fut mon postulat de départ. Les esprits bruyants, tapageurs et lanceurs d’objets ont formé mon axe directeur. L’enquête s’est alors révélée passionnante. Je croyais tout savoir sur les esprits frappeurs. Mais j’ai découvert qu’ils existaient depuis deux mille ans. Alors pourquoi ont-ils été dissimulés à l’attention des chercheurs jusqu’au 19e siècle ? En fait, ils étaient déguisés, apparaissant sous l’identité de morts, de diables, de sorciers ou de nains. C’est donc la perception et l’interprétation des phénomènes de psychokinèse qui ont évolué au fil des siècles pour aboutir à l'analyse scientifique rigoureuse que nous connaissons.

Maison-Hantee.com : Lors de notre précédente entrevue, vous nous avez évoqué ce projet d’écriture. Vous aviez mené une enquête auprès d’une centaine de personnes, étudiants, collègues ou libraires, pour leur demander leur définition du poltergeist. Et vous avez été surpris du résultat…

Claude Lecouteux : Oui ! Beaucoup de gens ignorent ce qu’est un poltergeist ! D’autres ont une vague idée. Mais j’ai été déconcerté par les lacunes à l’université même où je travaille ! J’admets que Monsieur Tout-le-Monde ignore la définition d’un poltergeist. Mais j’ai été profondément troublé par l’ignorance en la matière des professeurs d’histoire, de littérature ou de langues, pourtant hyper cultivés.

Maison-Hantee.com : Vous listez des témoignages dans votre introduction.

Claude Lecouteux : Une étudiante a même évoqué la présence de poltergeists dans Harry Potter. Or, je n’ai jamais lu Harry Potter. Voilà quelqu’un qui m’a apporté une référence de plus…

Maison-Hantee.com : A l’abri de toute interprétation individuelle, peut-on définir précisément un poltergeist ?

Claude Lecouteux : A l’heure actuelle, la définition scientifique est la suivante : phénomène de psychokinèse incontrôlée qui surgit de préférence chez de jeunes personnes au moment de la crise d’adolescence. C’est pourquoi on trouve toujours, dans les témoignages, le même type de protagonistes, soit à la source, soit victime du poltergeist. Souvent des enfants, des jeunes filles de 12 ou 14 ans, généralement des servantes. Les témoignages recueillis correspondent donc aux témoignages des enquêtes scientifiques récentes.

Maison-Hantee.com : A l’origine, le titre de votre livre devait être Histoire des Poltergeists. Or, vous nous avez dit que l’éditeur voulait mettre La maison hantée en titre et Histoire des Poltergeists en sous-titre, pour que ce soit "plus parlant" selon vos mots. N’est-ce pas paradoxal ? Quand on dit qu’une maison est hantée, c’est généralement par un fantôme, non par un phénomène produit inconsciemment par l’être humain.

Claude Lecouteux : Pour moi, c’est tout le dossier des maisons hantées qui est à revoir ! On découvrirait très vite qu’il n’y a pas que des fantômes ou des revenants mais aussi des poltergeists. Je crois avoir réussi à le démontrer dans mon livre. Les hantises peuvent être aussi bien acoustiques que visuelles, ou les deux en même temps. Entendre un objet tomber, c’est une chose. Le voir se déplacer tout seul en est une autre. Nous sommes dans l’effet audiovisuel ! (Rires)

Maison-Hantee.com : Vous renvoyez donc le fantôme à la littérature fantastique et le poltergeist à un univers plus rationnel.

Claude Lecouteux : Pas forcément. Pour moi, le fantôme est une manifestation de songe, une émanation de l’esprit. Dans mes textes anciens, le revenant est, quant à lui, un être de chair et d’os, qui vous prend à la gorge, parfois pour vous tuer. Ce sont des formes de hantise. Les poltergeists en sont une autre. On peut même les rapprocher des phénomènes de combustion spontanée.

Maison-Hantee.com : Comment la perception de ce phénomène, quasi diabolique au Moyen Âge, a-t-elle évoluée au cours des siècles ? Comment le poltergeist s’est-il incarné dans l’histoire des mythologies ?

Claude Lecouteux : Il faut distinguer la mythologie chrétienne de la mythologie populaire.

Comment les gens ont ressenti ces phénomènes ? Dans la mythologie païenne, il est hors de question de les attribuer au diable, simple vue de l’esprit. Par contre, les partisans de cette mythologie acceptent la présence d’entités de proximité que l’on appelle lutins, farfadets ou nains, en fonction des terroirs. Dans la tradition populaire, ce sont les génies de la maison qui manifestent leur mécontentement par un tapage inexpliqué. On corrige alors nos comportements pour se réconcilier avec ces personnages invisibles.

Maison-Hantee.com : C’est une vision un peu moralisatrice, non ?

Claude Lecouteux : En quelque sorte. Avec ces créatures surnaturelles qui influencent notre quotidien domestique, nous sommes au cœur de l’ADN de l’imaginaire. Or, l’imaginaire évolue au fil des cultures, des religions dominantes et des faits historiques.

Maison-Hantee.com : Tout cela est fort sympathique quand cela reste dans le registre du merveilleux. Mais ce n’est pas toujours le cas. Quand il devient problématique et que la victime y consent, un phénomène de poltergeist peut conduire à l’exorcisme. Or, vous rapportez quelques histoires d’exorcisme, dont certaines défient la raison. Cela ne vous effraie pas ?

Claude Lecouteux : Non, c’est normal ! Dès lors que tout a été tenté en vain, il ne reste plus qu’une solution : le surnaturel. Or, le surnaturel immédiat dans une société occidentale, c’est le christianisme ! Autrefois, on faisait appel au magicien ou au sorcier. Aujourd’hui, c’est le prêtre. Or, il reste un peu magicien, des dizaines de textes pouvant le confirmer…

Maison-Hantee.com : Je sens que vous allez vous faire des amis…

Claude Lecouteux : (Rires) C’est de notoriété publique ! Depuis le Moyen Âge, on a toujours interdit aux prêtres de pratiquer la magie ou de fabriquer des amulettes. Et la mentalité n’a pas évolué depuis deux mille ans. Les réactions seront toujours les mêmes ! Grattons le vernis de la civilisation, on trouve les peurs, les croyances et les superstitions. Tout est là, sous-jacent.

Maison-Hantee.com : Et de plus en plus caché…

Claude Lecouteux : Oui, pour éviter de passer pour un idiot. Vous connaissez Jung ? Il a étudié les fantômes et les revenants en menant une grande enquête en Suisse (3). Pour revenir à l’exorcisme, on s’adresse à l’exorciste comme à un magicien. Vous trouverez des références dans mon livre. Or, en y regardant de près, vous êtes atterré par la naïveté des protagonistes. Forts de leur foi, ils pensent que cela marche à tous les coups. Mais ce n’est pas toujours le cas. Au 19e siècle, le taux de réussite est élevé. Beaucoup moins dans les temps plus reculés.

Maison-Hantee.com : A lire votre bibliographie en fin d’ouvrage, vous avez nourri votre réflexion par des dizaines de lectures : livres anciens, études, anthologies,... Entre autres, on trouve Calmet, Flammarion, Bozzano ou Underwood qui se sont penchés sur de nombreux cas de hantises. Quel recul avez-vous pris par rapport à leurs méthodes d’investigations et leur approche des phénomènes ?

Claude Lecouteux : Je ne peux pas procéder de la même façon. Ils recueillaient des centaines de témoignages sans possibilité de vérification. Si vous entrez le mot "poltergeist" dans un moteur de recherche sur internet, vous allez trouver des dizaines de témoignages sans fondement. Je pourrais moi-même mystifier la toile avec des récits de pure invention. En outre, Flammarion est celui qui m’a le plus intéressé. L’amplitude de son enquête et le recul qu’il a manifesté sont des exemples de méthodologie car il n’impose aucun jugement.

Maison-Hantee.com : Comme vous ! Dans votre introduction, vous écrivez : « Comme à notre habitude, nous laisserons parler les textes et, avec la distance requise, en proposerons une analyse objective qui ne cherche pas à imposer un point de vue : libre à chacun de se forger sa propre opinion à partir des faits ». Mais quelle est réellement la vôtre ?

Claude Lecouteux : Dans mes études, je pratique la distanciation universitaire. Et c’est obligatoire pour sauvegarder sa réputation professionnelle. En outre, je refuse d’imposer mon point de vue. Avec l’irrationnel, il n’y a pas une opinion mais des myriades d’opinions qui dépendent toutes de la culture de chaque individu. Moi, je présente les faits et pose les accents pour orienter le lecteur vers une interprétation, en attirant son attention sur des faits qui pourraient lui échapper.

Maison-Hantee.com : Votre interprétation personnelle ou un agrégat de la pensée ambiante ?

Claude Lecouteux : Dans mes livres, je ne crois pas qu’on puisse extraire le fond de ma pensée. Sinon, je deviendrais un auteur anglo-saxon étudiant les poltergeists.

Maison-Hantee.com : Où est la nuance ?

Claude Lecouteux : Ils n’ont aucun recul ! Ils se projettent dans leurs analyses, légitimant ainsi leurs croyances. Dans son livre sur les phénomènes de hantise (2), le Révérend Père Thurston fait un véritable credo. Et cette attitude de parti-pris a largement contribué à déconsidérer toutes les études sur le sujet.

Maison-Hantee.com : Sans y croire aveuglement, il faut tout de même une certaine tolérance pour aborder l’irrationnel. Alexandre Dumas disait : « Les fantômes ne se montrent qu’à ceux qui doivent les voir ». Qu’a-t-il voulu dire pas là ? Qu’il faut une acuité qui nous prédispose à percevoir le phénomène, sans chercher spécialement cette intervention. Or, vous avez toujours su garder cette réserve à l’égard du surnaturel ?

Claude Lecouteux : Au grand désespoir des disciples du surnaturel, je suis comme saint Thomas. Et je n’ai toujours rien vu ! (Rires) Ni moi, ni les autres n’ont expérimenté semblable phénomène. Je n’ai vu ni fantôme, ni revenant, et n’ai jamais été victime de hantise. Je reçois du courrier. Une fois, on m’a adressé la photo d’un prétendu fantôme, prise par une caméra de surveillance d’une maison près de Beauvais, en l’absence du propriétaire. C’est troublant. On distingue la silhouette d’un prêtre habillé à la mode du 19e siècle qui flotte au-dessus du sol, sans ombre portée. J’ai transmis la photo à Philippe Wallon sans chercher à me prononcer. Si vous me poussez dans mes derniers retranchements, je vous dirai ceci : dans l’état actuel de la science, il y a des choses qu’on ne peut pas expliquer… pour l’instant !

Maison-Hantee.com : Dans Histoires magiques de l’histoire de France, Guy Breton déclare : « Les spécialistes des mythes expliquent que l’homme, pour se rendre maître du monde, avait deux voies à sa disposition : la voie grossière et la voie subtile. La voie grossière est celle que nous avons empruntée. Elle nous a conduits à inventer le téléphone, la radio, la télévision, les chemins de fer, l’automobile, les avions, les fusées, le cinéma, la bombe atomique, etc., c’est-à-dire des objets. La voie subtile est celle qui utiliserait uniquement toutes les ressources et toutes les facultés de l’esprit humain : la télépathie, la lévitation, la voyance, la télékinésie, la bilocation, etc. Facultés qui s’atrophièrent, faute d’usage, depuis que nous avons emprunté la voie grossière ». A votre avis, avons-nous trop ignoré notre sixième sens ?

Claude Lecouteux : C’est trop schématique. Nous avons un cerveau qui est émetteur-récepteur. Chaque personne possède un nombre différent de gammes d’ondes. Celui qui en a plus révèle des facultés psi et appréhende des phénomènes plus énigmatiques car il exploite une partie supplémentaire de son cerveau. Mais c’est généralement à son insu ! On ne sait pas maîtriser ces facultés. Demandez à Philippe Wallon ! Des gens qui se croient devenus fous viennent le consulter. Alors peut-être que certaines personnes sont capables de maîtriser ces aptitudes. C’est la voie qu’on choisit les moines tibétains par exemple. Mais je pense qu’il y a beaucoup d’escroqueries derrière le troisième œil. Il y a une voie spirituelle, certes. Cependant, elle implique un détachement complet de l’homme animal.

Maison-Hantee.com : Pour vous, cela ne fait donc aucun doute qu’il n’y a aucun agent surnaturel derrière le poltergeist. C’est un phénomène psychokinétique tout à fait explicable, malgré son étrangeté. Pourquoi continue-t-il alors à alimenter les fantasmes, même de nos jours ?

Claude Lecouteux : Plus le monde se mécanise, plus l’homme a besoin d’un contrepoids, en l’occurrence le surnaturel. C’est magnifique de croire au surnaturel ! Vous êtes en situation de détresse, vous faites un pèlerinage ou une prière. Vous vous tournez vers le surnaturel.

Maison-Hantee.com : Pourquoi rapprochez-vous autant le religieux du surnaturel ?

Claude Lecouteux : Parce que les frontières sont poreuses entre la foi et la magie. Il existe une magie chrétienne, ne l’oublions pas ! Prenez la vie des grands saints. C’est très empreint de mythologie, sur la base d’éléments non chrétiens. En outre, dans la magie, on distingue la blanche et la noire. La blanche était très en vogue pendant la Renaissance où chaque personnalité possédait son astrologue personnel. Quand à la noire, c’était l’affaire du nécromant. L’une fut acceptée par le christianisme, l’autre bannie. Historiquement, il y a eu concurrence ! Si l’Eglise ne donnait rien, on se tournait vers l’ésotérisme. Et cette mentalité date du 8e siècle !

Maison-Hantee.com : Cette quête du mystérieux et de l’étrange n’est-elle pas un retour aux sources, au mythe fondateur ?

Claude Lecouteux : En effet, à l’heure actuelle, c’est devenu une quête car, autrefois, le surnaturel était communément admis. L’âge des Lumières a cherché à désenchanter le monde. Mais même Voltaire n’était pas d’accord avec cette volonté de destruction du merveilleux ! Et aujourd’hui, il y a de nouveau un engouement pour les temps anciens et les vieilles croyances. Voyez les publications sur les korrigans et autres créatures mythologiques !

Maison-Hantee.com : Même ceux qui se réclament de Descartes pour déstabiliser le surnaturel ne savent pas qu’il a lui-même été sujet à une aventure magique où sa philosophie du cartésianisme lui aurait été inspirée en songes. Que les détracteurs de l’irrationnel se plongent dans ses Olympiques, un ouvrage où Descartes défend l’idée des facultés encore inutilisées de l’être humain, lui permettant d’être l’égal des dieux de l’Olympe ! Sans parler de l’envoûtement dont Blaise Pascal aurait été victime dans son enfance et que son père, Etienne Pascal, grand notable de province, aurait pris très au sérieux. On peut dire que les Lumières n’ont pas beaucoup fait d’ombre au paranormal… (Rires)

Claude Lecouteux : J’ai un ami, professeur à la retraite, qui a consacré une étude à la sorcellerie contemporaine. C’est effarant les pratiques qui subsistent encore de nos jours, malgré la prédominance des sciences et des techniques !

Maison-Hantee.com : Qu’attendez-vous d’un livre sur les poltergeists ? A qui s’adresse-t-il ?

Claude Lecouteux : Ce livre s’adresse en priorité à mes étudiants. C’est un relais à mes séminaires. Il s’adresse aussi à toute personne qui n’est pas bornée par des œillères culturelles. Qui possède une ouverture d’esprit. Car je ne vous cache pas qu’auprès de mes collègues, je suis un folkloriste. C’est à dire le degré zéro sur l’échelle des valeurs de la Sorbonne !

Maison-Hantee.com : Et comment vos proches jugent-ils les sujets auxquels vous vous êtes intéressés dans votre carrière ?

Claude Lecouteux : Certains collègues sont de vrais amis, des chercheurs aberrants comme moi, qui refusent de fouler les sentiers battus et souffrent eux-mêmes de leurs collègues, même s’ils apportent des voies nouvelles, de la pluridisciplinarité et de la diachronie. Un phénomène que l’on suit depuis mille ans commence à peser lourd, scientifiquement ! Et puis, mon épouse est mon meilleur critique ! Elle me fait très justement remarquer que ces sujets facilitent les rencontres avec des spécialistes d’horizons divers. Ce qui est profondément enrichissant.

Maison-Hantee.com : J’ajouterais même que c’est un sujet qui met les gens à l’épreuve, les obligeant à se révéler face à un thème sensible. Et on découvre des individus dotés d’un bon sens déconcertant malgré l’étrangeté des sujets traités. Ce qui constitue une petite famille de passionnés raisonnables, insensibles au charme des médias trop racoleurs, mais tellement plein d’humour et de poésie : scientifiques, historiens, anthropologues, anthologistes,…

Claude Lecouteux : C’est un challenge difficile car il y a beaucoup d’écueils qui aboutissent généralement à la sempiternelle et agaçante question : Y croyez-vous ? Combien de journalistes vous la posent ! Là n’est pas la question ! Moi, j’étudie pourquoi les gens y ont-ils cru ou y croient-ils encore. Point final.

Maison-Hantee.com : Erick Fearson, chasseur de fantômes, avec qui je travaille sur ce site est aussi victime de la même vision étroite de la part des observateurs. « Croyez-vous aux fantômes ? » lui demande-t-on souvent. On aurait envie de parodier l’humoriste Bigard en répondant : « Bien sûr que non, je n’y crois pas mais je les chasse quand même parce que je suis trop stupide pour faire autre chose… ». Plus sérieusement, il faut leur renvoyer soit une autre question (qu’est-ce que vous entendez par fantôme quand vous me demandez si j’y crois ?), soit par la célèbre répartie de la marquise du Deffand : « Je n’y crois pas mais j’en ai peur ! »

Claude Lecouteux : (Rires) Pour revenir à votre question sur le but de mon livre, je vous dirais que j’écris pour partager mes connaissances. Je trouverais dommage que le temps investi dans une enquête ne soit pas profitable aux autres. Mon ambition est de transmettre ce que j’ai découvert. Pour moi, c’est la clef. Quant à l’impact auprès du public, je manque de retour, à l’exception de quelques lettres de lecteurs.

Maison-Hantee.com : Comment communiquez-vous sur la sortie de votre livre ?

Claude Lecouteux : Je ne fais pas de promotion. Ou alors dans le cadre d’interventions comme celle que je fais pour l’I.M.I. au mois de décembre prochain, à Paris (4). J’irai parler des poltergeists puisque c’est leur domaine (rires). Parfois, des bibliothécaires ou des conservateurs me demandent de donner une conférence. Comme à Montpellier où j’ai parlé sur les vampires. Mais cela reste anecdotique. Mon lectorat est composé de cinq à six mille personnes environ. Et, comme m’a dit mon éditeur, quand ils achètent un de mes ouvrages, ils les achètent tous. Ça me va. Pour Fantômes et Revenants au Moyen Âge (5), j’en ai vendu à peu près dix mille exemplaires, du fait de quatre tirages club. Autre succès : Les Nains et les Elfes au Moyen Âge (6).

Maison-Hantee.com : D’après le courrier que vous recevez, avez-vous établi un profil de votre lectorat ?

Claude Lecouteux : C’est très varié. Cela va du stomatologue à la retraite à Monsieur Tout-le-Monde…

Maison-Hantee.com : Professeur de littérature et civilisation du Moyen Age à l’Université de Paris IV-Sorbonne, vous prenez bientôt votre retraite. Quels sont vos projets ?

Claude Lecouteux : J’arrête l’enseignement. J’ai quelques conférences en vue, notamment une sur le thème des cloches magiques, à Rennes, au mois de décembre. Vous savez, j’ai eu trois axes d’étude dans ma carrière : les êtres fantastiques, les morts et la magie. Et puis, j’ai commencé une étude sur les forgerons mythiques.

Maison-Hantee.com : Vous abandonnez les créatures fantastiques ?

Claude Lecouteux : Disons que je reviens à mes premières amours.

Maison-Hantee.com : Bonne retraite, Professeur.

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(1) Expliquer le paranormal : Les Niveaux du Mental, Philippe Wallon, Albin Michel, 1996

(2) Ghosts and Poltergeists, Herbert Thurston, 1953

(3) Apparitions : Fantômes, rêves et mythes, Aniela Jaffé, préface de C. G. Jung, Editions Mercure de France / Le Mail, collection Science et conscience, 1983

(4) Voir les informations sur le site de l'Institut Métapsychique International

(5) Fantômes et Revenants au Moyen Âge, Claude Lecouteux, Imago, 1986

(6) Les Nains et les Elfes au Moyen Âge, Claude Lecouteux, Imago, 1988

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1) En quelle année, Claude Lecouteux a-t-il publié un livre sur la mythologie des vampires ? (indice)

2) Dans quelle ville se situait la maison d'où provenait la photographie du fantôme d'un curé du 19e siècle adressée à Claude Lecouteux ? (indice dans cette page)

3) Comment s'appelle le héros décédé du roman de Claude Lecouteux, Le Mort aventureux ? (indice)

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