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A l’occasion de la
conférence d’Erick Fearson sur les fantômes et les lieux hantés,
Maison-Hantee.com rend hommage au précurseur de la chasse aux
fantômes. Dans un dossier inédit sur le web francophone,
agrémenté d’anecdotes rares, Erick retrace la vie complexe de ce
reporter de l'étrange, féru de magie. Toujours engagé, souvent
décrié, jamais égalé, Harry Price, figure emblématique de
l'histoire des sciences occultes, s’est inspiré des techniques
de l’illusionnisme, qu’il admirait, pour démasquer les faux
médiums et crédibiliser ainsi l’étude des phénomènes
paranormaux. Dans ce premier volet, Erick revient sur la
naissance d’une légende, héros d’enfance qui inspira de
nombreuses vocations, et la controverse que suscitèrent les
premières prises de position de ce magicien du mystère, à qui
l’on doit la première photographie manquée de l’au-delà… |
Première partie
Par Erick Fearson
C’est avec une certaine émotion que je
commence à écrire ce dossier. Et ce, pour deux raisons : mon parcours
s’inspire, consciemment ou non, de celui de Price ; et rien de
réellement honnête n’a été écrit sur lui jusqu’à aujourd’hui. Il était
donc temps de rendre hommage au héros de mon enfance.
Depuis mon plus jeune âge, Harry Price est
une figure emblématique qui m’a littéralement fasciné et qui continue de
me fasciner. Ce premier chasseur de fantômes de l’histoire fut en
quelque sorte l’un de mes "super-héros". Ajoutons qu’il y a peu de temps
de cela, j’ai pris conscience, à mon grand étonnement, de quelques
similitudes entre sa vie et la mienne. Effectivement, hormis nos
passions communes pour l’illusionnisme, le bizarre, l’occulte,
l’étrange, le surnaturel, les fantômes et les ouvrages rares, ce sont
ces mêmes passions et des évènements similaires qui furent à l’origine
de ce qu’il a été et de ce que je suis devenu aujourd’hui. Je note aussi
que sa vision des choses, sa manière d’être et d’agir, correspondent,
jusqu’à une certaine mesure, à ce que je suis présentement. Loin de moi
d’avoir la prétention d’affirmer que je suis l’égal d’Harry Price ! Ce
n’est pas le cas et là n’est pas mon but, de toute façon. Harry Price
était simplement inégalable et unique en son genre. Il serait absurde de
vouloir devenir ce qu’il fut. Avec honnêteté, je constate seulement ces
nombreux points communs qui semblent nous lier et qui me surprennent.
En outre, il existe aujourd’hui peu de
publications le concernant. Et les rares écrits correspondent à une
vision déformée de ce que fut l’homme et sa vie. En large majorité, on
parle de lui en des termes peu glorieux qui ne correspondent pas
forcément à la réalité. Il est évident que ceux qui osent écrire ainsi
sur Price ne le connaissent qu’à travers les polémiques qu’il a
suscitées durant son vivant. C’est oublier bien vite que tous ceux qui
se passionnent pour l’étrange, les phénomènes psi et les fantômes en
particulier lui doivent quelque chose. Autant du côté des rationalistes
que du côté des croyants. Remettons alors les choses à leur place !
Naissance d'une légende
Le 29 Mars 1948 s’éteignait l’un des plus
grands chasseurs de fantômes du 20ème siècle : Harry Price. Une crise
cardiaque eut raison de lui. Après avoir côtoyé le monde des spectres
toute sa vie, il a rejoint leur territoire… pour l’éternité !
Harry Price (à droite) dans un lit
hanté d'une maison de Londres (sept. 1932) |
Immédiatement après sa mort, il est devenu
un sujet de controverse et de polémique. Ses opposants lui reprochaient
son goût immodéré pour la publicité et le sensationnel. On lui
reprochait aussi de n’avoir apporté aucune preuve visant à démontrer
l’existence des fantômes. Notons qu’Harry Price possédait un fort
charisme, un talent théâtral certain et surtout, une personnalité
complexe et insaisissable. Tous les ingrédients nécessaires étaient ici
réunis pour élever contre lui de nombreux ennemis. |
A l’opposé, ses partisans ont félicité
l’homme au même titre que le professionnel compétent. Tel le Times
qui le complimentait pour sa sincérité transparente et son esprit
singulièrement honnête. Un autre journal rappelait qu’aucun autre homme
n’a fait plus, à travers son travail, pour démasquer les fraudeurs.
Ajoutons enfin que plusieurs journalistes n’ont pas manqué de faire
remarquer qu’il en savait beaucoup plus que n’importe qui d’autre dans
le domaine des maisons hantées, des fantômes et des poltergeists.
La référence en matière
de magie et d’occultisme
Une chose est cependant certaine : si une
personne désirait obtenir une information ou un conseil concernant le
champ de la recherche psychique, il se tournait neuf fois sur dix vers
Harry Price et son extraordinaire bibliothèque. Effectivement, c’était
un bibliophile émérite. L’un de ses rêves était de constituer la plus
large bibliothèque du monde dédiée à la magie. Et ceci dans le sens
large du terme. C’est-à-dire, aussi bien des ouvrages d’illusionnisme
que des traités d’occultisme et de métapsychique. À trente ans, il
possédait déjà 5 000 ouvrages traitant de ces sujets. Sa bibliothèque
s’agrandissait de jour en jour jusqu’à ce que sa maison de Pulborough
devienne trop petite pour accueillir tous ses ouvrages.
À la fin de sa
vie, il en possédait 20 000 ! Généreusement, il fit don de son
immense collection à l’Université de Londres.
Bien évidemment, il écrivait. Auteur de
nombreux ouvrages immensément populaires, traduits en huit langues, on
lui doit enquêtes et avis de spécialiste, publiés dans des centaines de
journaux et de magazines. Il contribuait à presque chaque journal dans
le monde, traitant des phénomènes psychiques. Sa première contribution
au journal de l’A.S.P.R fut saluée par Frederick Edward, alors président
de la société, comme étant "le plus important document que la société
ait publié ces dernières années". Enfin, au crépuscule de cette vie hors
du commun, on comptait plus de 25 000 articles de presse consacrés à
Harry Price et son travail. |
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Un esprit critique loin
de faire l’unanimité
Malgré ses nombreux détracteurs et leurs
arguments contestables, il serait faux d’affirmer que personne en
Angleterre ne l’appréciait. Les nombreuses lettres et écrits le
félicitant seraient fastidieux à énumérer ici. Mais ces éloges venaient
aussi bien des scientifiques, des psychologues, des spiritualistes que
de l’homme de la rue.
Il n’a pas levé le voile sur toutes les
zones d’ombres que comporte l’univers fascinant des fantômes. Mais, sans
aucun doute, il a fait la lumière sur nombre de superstitions et de
mensonges. Il est difficile aujourd’hui d’analyser et de déterminer son
influence sur le public, mais il est évident qu’il a contribué à rendre
les gens moins crédules et donc plus critique envers le paranormal, sans
pour autant - loin s’en faut ! -, réfuter l’existence du surnaturel.
Bien au contraire…
Il comptait de nombreux scientifiques
orthodoxes et de spiritualistes dans le rang de ses ennemis. Durant
toute sa vie, il a dû combattre ces deux extrêmes de front. Il
n’acceptait pas leur fermeture d’esprit et préférait choisir la voie du
milieu. Il reprochait à ces scientifiques leur propre peur à
compromettre leur prestige et leur carrière en étudiant le domaine de
l’occulte. Quant aux spiritualistes, Harry Price était incapable de
comprendre leur point de vue. Il voyait les spiritualistes comme des
personnes crédules et très faciles à duper. Si Price admettait avoir
fait face à des évènements scientifiquement inexplicables, il n’adhérait
pas et n’acceptait pas les théories spirites. Précisons tout de même
que, malgré ça, il ne se comportait pas de manière condescendante envers
eux, comme le font souvent les rationalistes. D’ailleurs, beaucoup de
médiums le trouvaient fort sympathique. Même s’il doutait de leurs
compétences et n’admettait pas leurs revendications, Price faisait tout
ce qu’il pouvait pour les mettre à l’aise. Par contre, il était sans
pitié pour ceux qui fraudaient sciemment et abusaient un public naïf.
Curieux et
aventurier
Toute sa vie, il fut un homme actif. Si la
recherche psychique et les fantômes lui prenaient la plus large partie
de sa vie, il s’intéressait à beaucoup d’autres choses. Notamment la
numismatique, sujet sur lequel il publia plusieurs ouvrages, ainsi
qu’une passion pour le théâtre qu’il nourrissait activement,
essentiellement durant sa jeunesse. Il écrivit d’ailleurs plusieurs
pièces pour différentes sociétés dramatiques, dans lesquelles il tenait
parfois un rôle. Mais son violon d’Ingres fut l’illusionnisme, et ce
depuis sa plus tendre enfance.
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La recherche psychique resta sa principale
occupation. Il était toujours prêt à enquêter sur les phénomènes
étranges aussi bizarres soient-ils, comme le cas de Gef, la mangouste
parlante. Il était en permanence à la recherche de nouveaux médiums et a
dû tester plus d’une centaine d’entre eux. Étonnamment, quelques-unes de
ses méthodes et certains de ses instruments furent utilisés après sa
mort par ceux qui, de son vivant, s’opposaient le plus violemment à ses
idées. Je pense sincèrement qu’on lui reprochait surtout son esprit
ouvert, sa force de caractère et son insistance à revendiquer
farouchement son indépendance. Libre-penseur, en marge de tout groupe,
société ou courant idéologique, il fonda sa propre organisation. Ainsi,
il était incontrôlable et libre de choisir son propre chemin en
appliquant ses méthodes personnelles. Cela lui a d’ailleurs valu de très
nombreuses attaques autant des spiritualistes que des sceptiques. |
Mais qui était vraiment l’énigmatique
Harry Price ? Qui avait-il derrière le personnage public ? Avant de
percer le mystère et de pénétrer plus en profondeur dans sa vie,
projetons-nous dans le temps, durant ses jeunes années. Car c’est là que
tout a commencé…
Un phénomène de foires
Harry Price est né le 17 janvier 1881 à
Shrewsbury. Il a eu une enfance heureuse et tranquille. Tranquille
jusqu’à cette froide matinée de janvier, où il vécut une expérience qui
l’interpella profondément. Ce jour-là, debout au milieu du square
principal de Shrewsbury, il assista à la représentation du "Great Sequah".
Celui-ci était vendeur itinérant de potions médicinales, magicien et
ensorceleur. Le jeune Harry fut surtout impressionné quand le Grand "Sequah"
fit apparaître, d’un bol montré vide auparavant, un couple de colombes,
des drapeaux, des sacs de bonbons ainsi que de nombreux petits jouets.
L’émerveillement du jeune garçon atteint son paroxysme quand le mage
arracha la dent d’un petit garçon effrayé, utilisant sa magie comme
anesthésiant. Comme Price l’a confessé plus tard, le show ambigu du
marché de Shrewsbury fut "entièrement responsable de sa future
carrière".
Le premier volume de son incroyable
librairie fut d’ailleurs le fameux "Modern Magic" du Professeur
Hoffmann, qui est un grand classique de l’illusionnisme. Cet ouvrage lui
fut offert par son père, comme cadeau d’anniversaire après qu’Harry, de
retour à la maison, raconta l’histoire du Grand "Sequah". De cet
événement, il voua, durant toute sa vie, une passion dévorante pour la
prestidigitation. Le jeune Price dépensait tout son argent de poche dans
les livres et les appareils de magie.
Après une scolarité banale, il quitta
l’école à 16 ans, car les intérêts et les hobbies du jeune Harry étaient
beaucoup plus forts que n’importe quelle ambition scolaire.
Durant son
adolescence, ce futur chasseur de fantômes hanta assidûment les
marchés et les fêtes foraines. Notamment celle de la banlieue de
Londres. « J’ai dépensé beaucoup de nuits à observer les
illusionnistes, les hypnotiseurs, les télépathes, les voyants,
les "monstres humains", les mangeurs de feu, les fakirs et
autres mystificateurs qui se produisaient là » confesse-t-il.
Harry "ingurgitait" avidement toutes ces merveilles. Entre 1895
et 1900, il dressa une liste des différents médiums,
clairvoyants et télépathes qui fréquentaient les foires autour
de la capitale Britannique. |
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Durant ces cinq années, il compara leurs
méthodes, analysa leurs secrets et prit des notes à propos de chaque
technique employée.
Il avait seulement 17 ans quand il visita
Paris la première fois. Naturellement, il hantait nombre d’endroits où
il pouvait voir des magiciens de rue, des médiums, des phénomènes de
foires et par extension, tous ces créateurs d’étrangetés qui
insufflaient et insufflent toujours, dans notre société, ce mystère dont
nous avons tellement besoin. Ses endroits favoris étaient la foire aux
pains d’épices, la foire de Neuilly, la fête de Saint Cloud ou la fête
des Loges. Dans ces lieux à l’atmosphère bizarre, il pouvait admirer
sans retenue le show d’hypnose de Piaux ou bien encore Olga, la femme à
la peau d’acier.
Sa première maison
hantée
Et les spectres dans tout ça, me
demanderez-vous ? Il rencontra son premier "fantôme" à l’âge de 15 ans.
La rencontre eut lieu dans le petit village de Shropshire, juste à côté
de Shrewsbury. Dans ce hameau se trouvait un vieux manoir vide que l’on
disait hanté. Harry réussit à obtenir l’autorisation pour y passer la
nuit avec un ami.
La légende dit que, quelques années
auparavant, ce manoir était habité par un homme riche. Hors du monde, il
vivait reclus avec sa nièce, qui était aussi sa gouvernante. Un jour, ou
peut-être un soir, il étrangla sa nièce. Pourquoi ? Nul ne le sait. Mais
le jour d’après, on retrouva le corps du vieil homme noyé dans la
rivière. Quelle que soit la véracité de cette histoire, Harry et son ami
décidèrent de veiller toute la nuit dans ce lieu maudit. L’angoissante
attente commença…
Et brusquement, vers 23h30, au-dessus de
leurs têtes, se manifesta un bruit sourd. Paralysé par la peur, le duo
téméraire préféra, malgré ça, rester plutôt que de fuir. De nouveau, les
bruits se manifestèrent. Précisons, que le jeune Price avait
méticuleusement installé un appareil photo au bout de l’escalier. Dans
les escaliers, une heure après minuit, les pas fantomatiques reprirent
de plus belle. Malgré la peur au ventre et après une profonde
respiration, l’adolescent appuya sur le déclencheur. « Alors, une
étrange chose arriva » relate-t-il. En plus de la luminosité très
intense du flash photo, une source lumineuse émanait bizarrement du
dessous de la porte située non loin. Les courageux enquêteurs de
l’étrange se précipitèrent sur la porte... Mais personne derrière ! Au
développement, la photo ne montrait rien d’anormal, hormis une
surexposition de l’image. Néanmoins, ce fut une expérience effrayante
qui marqua l’esprit du jeune Harry Price et qui le détermina à enquêter
sur les phénomènes psychiques.
De cette époque, il passa son temps à
fréquenter les cercles spiritualistes et les séances spirites,
essentiellement dans le Sud-Est de Londres et à lire autant qu’il le
pouvait sur ce sujet.
De la magie à la chasse
aux fantômes
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C’est aussi l’illusionnisme qui le dirigea
vers le champ de la recherche psychique. L’art de la magie le rendit
capable de déjouer les médiums frauduleux. Très tôt dans sa carrière, il
est devenu un membre du fameux "Magic Circle" et fut élu à la tout aussi
fameuse "Society of American Magicians". Mais, comme il était de
plus en plus attiré par le paranormal, cela l’éloignait
inévitablement du cercle des magiciens et lui attira de nombreux
ennemis, parmi ces prestidigitateurs. Harry Price ne voyait
aucune incompatibilité à être à la fois illusionniste, chasseur
de fantômes et, plus largement, chercheur psychique. Ses
opposants l’attaquaient bassement en dénigrant son statut de
magicien professionnel en lui reprochant de ne pas vivre de cet
art. C’est juste. Mais c’est une injustice que de nier son
talent d’illusionniste ainsi que son érudition dans le domaine. |
En 1921, la
revue professionnelle Magazine of Magic le décrivait comme « un
illusionniste de la nouvelle école très intelligent. Il est très bon et
très original. Mais nous croyons certainement qu’il en sait plus sur
l’histoire de la magie que n’importe qui d’autre dans le métier,
exception faite d’Harry Houdini ». Notons que Price s’était spécialisé
dans la reproduction des séances spirites pratiquées par les médiums
frauduleux. Précisons enfin que les magiciens du monde entier lui
écrivaient pour lui demander des conseils et des informations sur cette
branche particulière de l’art…
En guerre contre
l’illusionnisme racoleur
Bien que connaissant de très nombreuses
méthodes pour reproduire les phénomènes spirites, Harry Price ne niait
pas le fait qu’il puisse exister de véritables manifestations
surnaturelles. Il était donc évident que, tôt ou tard, la confrontation
avec le monde arrogant et condescendant des illusionnistes allait se
faire. Nevil Maskelyne, le fils aîné du fameux illusionniste anglais
John Nevil Maskelyne, publia, en février 1923, dans le London
Magazine, un article respirant la bêtise et la prétention. Prestidigitateur comme son père, Nevil attaquait, dans cet article, non
seulement les spirites, mais aussi tous ceux qui croyaient en
l’existence de phénomènes surnaturels. Il expliquait que son frère
Clive, lui aussi magicien, pouvait reproduire tous les phénomènes que
produisait un médium durant une séance spirite. |
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La réponse très intelligente d’Harry
Price, publiée dans Light, ne se fit pas
attendre.
En voici un extrait : « Y a-t-il quoi que
ce soit de dérangeant dans le fait qu’un illusionniste déclare croire à
certains miracles authentifiés durant les séances spirites ? Cela
doit-il affecter son talent artistique ou bien causer sa chute dans le
box-office ?… ». Et il ajoute : « Encore qu’il semble que la mode parmi
les illusionnistes professionnels soit de railler ouvertement tous les
médiums – frauduleux ou véritables – et de ridiculiser les scientifiques
les plus prestigieux au monde, dans leurs efforts à déterminer les lois
qui gouvernent les phénomènes psychiques, ainsi que dans leurs efforts
honnêtes de tenter d’élucider les mystères de l’esprit humain ». Il
citait ensuite Sir Oliver Lodge, Sir William Barrett et le Professeur
Richet comme des exemples d’hommes éminents s’étant penchés sur le
sujet.
De manière claire et évidente, Price démontrait ensuite à son
opposant que les grands magiciens dont l’histoire a retenu le nom
n’avaient pas forcément une vision unilatérale de cet univers. Il
décrivait comment Samuel Bellachini, Robert Houdin, Bosco, Kellar,
Stuart Cumberland et Will Goldston, tous de fameux magiciens, prenaient
la recherche psychique au sérieux et que, si cela ne faisait pas d’eux
des spiritualistes, ils n’étaient pas complètement sceptiques. Price
décrivait des manifestations, dont il fut le témoin, qui ne peuvent
avoir été reproduites, même par la plus coûteuse et la plus complexe des
machineries. « J’étais aussi sceptique que vous, M. Maskelyne »
poursuit-il, « avant de prendre le temps d’enquêter honnêtement sur le
sujet et de trouver des évidences. (…) Avez-vous peur que de véritables
phénomènes soient en compétition avec de grossières imitations ? (…) Il
est certain que de grandes vérités psychiques sont graduellement en
train de s’étendre à travers la masse, qui préfèrera voir un être humain
léviter par de réels pouvoirs psychiques plutôt que d’être témoin d’un
homme qui se soulève d’une hauteur de trois pieds dans les airs, entouré
par une tonne de machinerie cachée… ». Il mettait l’accent sur certaines
expériences mentales qui, disait-il, étaient impossible à reproduire à
l’aide de techniques d’illusionnistes. Puis, il demandait à Maskelyne de
cultiver un état d’esprit plus ouvert envers cet univers et de lire la
littérature existante sur le sujet.
Le défi de l’impossible
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Cette lettre ouverte à Maskelyne eu de
larges répercussions. Elle fut traduite en plusieurs langues et publiée
dans divers pays, notamment en France, dans la fameuse Revue de la
Métapsychique. Cette lettre fut suivie
par d’autres. Elles mettaient de plus en plus en lumière l’inaptitude de
Maskelyne à juger objectivement ces phénomènes spirites et son
incapacité à reproduire, à l’aide de la prestidigitation, certaines
manifestations psychiques. Il faut d’ailleurs savoir qu’en 1929, Harry
Price lança un défi à travers le journal World’s Picturial News.
Il offrait 1 000 livres à n’importe quel illusionniste capable de
reproduire ces phénomènes dans des conditions similaires aux séances
tenues par le médium Rudi Schneider. C’était là une occasion en or pour
tous les magiciens qui déclamaient à ceux qui voulaient bien les
entendre que tous les phénomènes spirites pouvaient être reproduits par
tricherie. Occasion manquée puisque le challenge ne fut pas relevé. |
Un faux débat
Nevil Maskelyne lança donc un challenge au
médium Rudi Schneider. Il offrait 100 livres à une œuvre de charité si
celui-ci réussissait à produire de véritables phénomènes psychiques.
Face à ce challenge qui inversait les rôles, Harry Price répliqua en
remettant les choses dans l’ordre et adressant une lettre à
l’illusionniste borné. Il lui rappelait que c’était lui-même qui
affirmait pouvoir reproduire les effets du médium. Dans cette lettre, il
invitait donc le prestidigitateur à venir au Laboratoire National de la
Recherche Psychique pour reproduire, à l’aide de techniques
d’illusionnistes, les mêmes effets que Rudi Schneider et cela dans des
conditions identiques aux séances du médium. Il offrait à Maskelyne 250
livres pour le déplacement et 250 livres de plus pour la reproduction
des phénomènes. Price concluait ensuite que lui-même avait essayé, avec
toutes ses connaissances d’illusionniste, de reproduire ardemment les
effets spirites de Schneider sans aucun résultat positif. Et que si le
"magicien" pouvait le faire, alors il s’inclinerait. Maskelyne répondit
que c’était à Rudi Schneider de prouver ses dons et non à lui de
reproduire les phénomènes. Décidément très patient avec la mauvaise foi,
Harry Price lui répondit que « Rudi est un médium et non un
illusionniste. Il fut testé par une douzaine de scientifiques. Ce n’est
pas ses talents de médium qui sont remis en cause, mais vos affirmations
qu’un magicien peut reproduire les mêmes phénomènes ».
"Olga"
en mauvaise posture
Le débat tournait en rond et il semblait
impossible de trouver une issue. Précisons tout de même que, dans un
même temps, l’illusionniste malin se produisait à Londres et qu’il
affirmait à travers sa publicité reproduire à l’identique les séances de
Schneider. Bien évidemment, tout ceci était faux. Intitulée "Olga",
l’illusion, grossièrement truquée à l’aide d’une trappe, n’avait
strictement rien à voir avec les miracles produits par le médium. Harry
Price tenta quand même une dernière tentative pour décider
l’illusionniste. Ce dernier essai, en forme de coup d’éclat, fut un coup
de maître. Effectivement, le 10 décembre 1929, au Coliseum, Price eut le
culot d’interrompre Maskelyne à la fin de la représentation d’"Olga"
expliquant au public que cette mascarade n’avait rien à voir avec les
séances de Schneider. Il continuait en révélant que le prestidigitateur
et sa famille faisaient, depuis des années et grâce à des publicités
mensongères, de l’argent sur le dos des médiums. Harry Price expliqua
rapidement le conflit qui l’opposait au magicien et réitéra les
différents challenges cités précédemment. Le public l’ovationna. Blanc
comme un linge, Maskelyne fut complètement déstabilisé. Jamais il ne fut
capable de relever le défi de Price.
La bataille qui opposait Harry Price au
rationaliste Maskelyne provoqua des divisions au sein des cercles de
magie. Illusionniste talentueux, Will Goldston, reconnu et fondateur du
Club des Magiciens, déclara : « il y a beaucoup de magiciens qui, comme
moi-même, ne sont pas complètement sceptiques à propos des
manifestations médiumniques. J’ai suivi plus de 300 séances et j’ai vu
des choses lesquelles sont impossibles à reproduire par un
illusionniste. De plus, certaines de ces choses se sont produites dans
ma propre maison ».
Il y avait les magiciens qui se rangeaient
du côté de Price et les autres qui le détestaient cordialement. En
décembre 1931 il eut un différent avec le comité occulte du "Magic
Circle". Pensant être privilégiés par leur statut, ces derniers
voulaient assister à la séance spirite tenue par le fameux médium
italien Pasquale Erto et organisée par Price. Tout ceci, bien sûr, pour
tester ses facultés médiumniques. Notre chasseur de fantômes, n’ayant
heureusement pas sa langue dans la poche, leur répondit sèchement et
fermement :
« En ce qui concerne le comité occulte
voulant tester la véracité des talents de cet homme, je peux seulement
remarquer :
a) Que nous sommes tout à fait capable de
faire cela nous-mêmes.
b) Que c’est une enquête privée réservée
aux membres.
c) Qu’avec un peu d’initiative (et
beaucoup de dépenses), le "Magic Circle" peut faire ses propres
arrangements avec les médiums.
Malgré son caractère affirmé et ses prises
de positions personnelles, Harry Price resta, toute sa vie, ami avec de
nombreux magiciens à l’esprit ouvert. Pour la petite histoire, il se lia
d’amitié avec le plus fameux mentaliste américain du 20ème siècle,
Joseph Dunninger, avec qui il entretint une correspondance nourrie.
Price et les spirites
Il serait faux de prétendre qu’Harry Price
aimait les spiritualistes. Il n’acceptait pas le spiritualisme en tant
que religion. Les rituels et les pièges de l’église spiritualiste ont
éveillé en lui une profonde antipathie pour ce mouvement. Bien
évidemment, les adeptes de ce courant lui rendaient bien son antipathie.
De nombreuses attaques amères étaient dirigées à l’encontre de Price,
car il ne voulait pas rejoindre leurs rangs. Effectivement, Harry étant
une figure incontournable dans ce domaine et les spirites réclamaient
son appui pour obtenir ainsi davantage de crédibilité. Alliance que
refusait fermement notre chasseur de fantômes. Mais, paradoxalement, il
comptait beaucoup d’amis au sein de ce mouvement. Des amis avec qui il
pouvait discuter de ce sujet sereinement et intelligemment.
Price était un libre-penseur et ne
redoutait nullement les hostilités des spirites. Ce fut donc un
combat permanent. L’une de ces batailles fut la réédition, par ses soins et
ceux du Docteur E. J. Dingwall, de l’ouvrage Revelations of a Spirit
Medium de Donovan. L’ouvrage en question était un fac-similé d’une
édition publiée originellement en 1891, aux Etats-Unis. L’auteur, un
médium frauduleux, expliquait de façon très détaillée comment il
escroquait sa clientèle en pratiquant des séances spirites truquées.
Quand ce livre fut publié pour la première fois, il fit l’effet d’une
bombe dans le milieu spiritualiste. De ce fait, il fut épuisé très
rapidement et difficilement disponible car les spirites achetèrent et
détruisirent toutes les copies. D’où l’intérêt de Price de le rééditer
pour éclairer la population. |
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Car, si Harry croyait en la véracité de
certains phénomènes médiumniques, il n’acceptait pas l’escroquerie et
refusait dogme et prosélytisme véhiculés par les spiritualistes.
Par sa vision indépendante, les spirites
alternaient leurs points de vue sur lui. Attitude identique de la part
de Sir Arthur Conan Doyle, ardent défenseur du spiritisme avec qui il
fut un temps ami. Quand il approuvait un médium, il avait l’approbation
des spiritualistes et devenait le porte-drapeau de leur cause. Mais,
quand il démasquait un faux médium, il représentait l’ennemi à abattre.
Mais n’est-ce pas là le propre de toute religion qui cherche à s’imposer
et à dominer ? E.F.
A suivre…
Remerciements : Paul G. Adams, créateur
du site
HarryPrice.co.uk, pour ses photos.
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Pour aller plus loin :
>>
La
conférence d'Erick sur les fantômes et les maisons hantées
>>
Un
article de Maison-Hantee.com sur Harry Price et le presbytère hanté de
Borley
>>
Une
série BD inspirée par la vie d'Harry Price (interview des auteurs)
>>
Harry Price, vu par Peter Underwood (en anglais) |