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De passage en
Vendée en 1847, Gustave Flaubert décrivit le château de
Tiffauges comme un château "fantôme muet, abandonné, maudit,
plein de résonances farouches". Plus que jamais sensible à cet
écho maléfique, Erick Fearson a suivi les traces d'un des
monstres les plus célèbres de l'histoire de France, Gilles de
Rais, surnommé Barbe-Bleue, jusque dans ses châteaux de
Champtocé et de Tiffauges, hantés par les âmes de jeunes enfants
qu'il sacrifia lors de rituels orgiaques. Illustré par les
fantomatiques photographies de Philippe Prost et sans épargner
au lecteur les macabres détails d'une sordide affaire, Erick décrypte une descente aux
enfers, livrant un reportage fascinant sur la face cachée
de celui qui, au-delà du criminel, fut aussi Maréchal de France
et valeureux compagnon d'armes de Jeanne d'Arc. Un voyage au
cœur de l’horreur qui soulève l’inévitable question : comment un
être humain peut-il tomber aussi bas ? |
Par
Erick Fearson
À la suite d’un mystérieux courrier, je
pars sur les traces de l’infâme Gilles de Rais. Alchimie, occultisme,
satanisme, perversion et crimes abominables ont fait partie du quotidien
de ce personnage historique. Serait-ce pour cette raison que son spectre
reviendrait hanter les châteaux de Champtocé et de Tiffauges ? Voudrait-il,
par sa présence d'outre-tombe, expier les fautes commises de son vivant ? Je tenterai
de le découvrir et peut-être devrais-je, encore une fois, pousser les
portes de l’autre monde...
Le mystérieux
rendez-vous
Le 3 octobre 2001, je reçois un courrier
contenant les photos de deux châteaux accompagnées d’un message :
« Si vous vous intéressez aux
phénomènes de hantise, rendez-vous aux châteaux de Champtocé et de
Tiffauges. Vous y découvrirez certainement quelques sombres secrets
tapis dans l’ombre de ces pierres. G.R. »
L’enveloppe n’est pas timbrée. Qui a bien
pu me déposer cette lettre ? Qui est ce mystérieux G.R. ? Je verrai cela
plus tard. J’ai déjà entendu parler de ces lieux, mais où et quand ?
Hum… bien sûr ! La mémoire me revient et je me souviens avoir lu un
article de Simon Marsden, mentionnant la forteresse de Champtocé et du
spectre de l’emblématique Gilles de Rais. Je consulte mes archives en
espérant glaner de plus amples informations sur sa biographie et ce château.
J’apprends que sa vie fut partagée entre ses propriétés de Machecoul, de
Tiffauges et de Champtocé. Ce que je découvre me fait froid dans le dos.
Je dois en savoir plus. Une nouvelle aventure m’attend. Je décide de me
rendre sur les lieux de son existence et de suivre sa trace. |
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J’arrive au château de Champtocé vers
13h00. Il ne reste plus grand-chose de ce décor lugubre. J’ai
rendez-vous avec quelques membres d’une association locale qui cherchent
à réhabiliter l’endroit. En attendant cette rencontre, je fais un peu le
tour de la forteresse en notant quelques endroits dangereux, notamment
là où se situe le pont-levis. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il
émane de ces ruines un puissant sentiment de solitude et de désolation.
Plus encore dans la salle souterraine de l’édifice. Des évènements
effroyables ont dû se dérouler ici même...
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Apercevant mes contacts, je vais à leur
rencontre et nous nous présentons. Ils me parlent bien évidemment de
Gilles de Rais et surtout de leur association. Cependant, ils restent
assez discrets et montrent une certaine retenue concernant la face
sombre du Maréchal de France. J’apprends tout de même que le
"monstre"
s’adonnait à des pratiques pas vraiment catholiques dans la salle
souterraine du château. Là où justement mes impressions étaient les plus
fortes ! Je déambule dans les maléfiques ruines du château de Champtocé
où furent exhumés, en octobre 1437, les ossements d’une quarantaine
d’enfants. Toujours est-il que les gens des environs affirment que le
château est ensorcelé et que l’âme damnée du baron de Rais ne quittera
Champtocé que quand la dernière pierre de cette forteresse en sera
déchaussée… |
Je quitte ces personnes fort sympathiques
non sans avoir été auparavant invité à boire un verre d’hydromel, fameux
breuvage de l’époque. L’après-midi touchant à sa fin, je reprends la
route vers Tiffauges où une chambre d’hôtel m’attend. Car, je dois le
préciser, les massacres de l’horrible Gilles de Rais furent perpétués en
grande majorité au château de Tiffauges.
Il est 19h00 quand j’arrive à mon hôtel,
le manoir de la Barbacane (*), qui se situe à deux pas de la sombre
forteresse. Très bel hôtel au demeurant avec un accueil fort
sympathique. Je dîne au restaurant et je pars rejoindre ma chambre pour
me replonger dans ce dossier macabre. Une fois n’est pas coutume, je me
couche tôt car demain, la journée promet d’être longue.
09h30 - J’arrive au château. J’ai
rendez-vous avec la personne qui gère le site. Celle-ci est peu bavarde
mais me laisse carte blanche durant toute la journée. Le site est
accessible au public et abrite un laboratoire alchimique ainsi que
quelques machines de guerres moyenâgeuses. Il fait froid en ce jour
d’octobre. J’alterne mes visites de l’édifice avec les témoignages d’un
guide et de plusieurs personnes connaissant bien l’endroit. Encore une
fois, je note une certaine réserve de la part des témoins pour évoquer
les maléfiques activités et l’obscure personnalité de l'ancien
occupant. Dans la région, les habitants ne sont pas plus loquaces. On préfère
parler de ses faits d’armes plutôt que de sa perversité et de sa
fascination pour l’occultisme. La tâche n’est pas facile. Cependant, je
réussis à soutirer quelques informations que je recoupe avec mes
archives. Voici ce que je peux en dire... Attention, âmes sensibles
s'abstenir !
La fortune d'un valeureux
compagnon d'armes
Fils de Guy de Laval et Marie de Craon,
Gilles de Rais voit le jour en 1404, dans la tour noire du château de Champtocé. Il se retrouve orphelin à 11 ans et devient, du même coup,
l’un des plus riches héritiers du royaume de France. Il grandit sous la
coupe de son grand père, Jean de Craon. L’influence néfaste de son aïeul
déterminera, je le crois, le monstre qu’il deviendra. Le 30 novembre
1420, à l’âge de 16 ans, il kidnappe et épouse Catherine de Thouars.
Ce
qui lui amènera la baronnie de Tiffauges et de Pouzauges. On le dit
fier, beau, riche, dévoué, courageux, fin guerrier et sensible à l’art.
Maréchal de France à 25 ans, il combattra aux côtés de Jeanne d’Arc et
se fera remarquer au siège d’Orléans. |
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À la mort de son aïeul, Jean de Craon, en
1432, il est à la tête d’une des plus grosses richesses du royaume.
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Au sacre de
Charles VII, il se retire dans ses propriétés de Machecoul, de
Champtocé et de Tiffauges.
C’est le début de sa chute aux enfers. Mégalomane vivant dans un
luxe extravagant, il se met à dépenser des fortunes colossales
dans la construction d’une collégiale et d’une maison militaire
avec une garde de 200 cavaliers. Rien n’est trop beau pour lui :
armada de domestiques et achats de vaisselles d’or, de
tapisseries persanes et d’ivoires. Il se constitue une
bibliothèque digne de Crésus : bibles, ouvrages de sciences
occultes et de haute magie dont les couvertures, en cuir de
qualité, sont ornées de pierres précieuses. Diamants, rubis,
émeraudes, rien n’est trop beau pour cet hédoniste. Sa table, garnie de mets délicats et de grands vins, est
ouverte à tous. Ces banquets sont parfois suivis de spectacles
grandioses. |
À la mémoire de Jeanne d’Arc, il met sur
pied la création et à la mise en scène du siège d’Orléans, joué par sept
cent quarante comédiens, tous vêtus de costumes étincelants !
La descente aux enfers
Tout ce faste ne doit pas nous faire
occulter l’autre visage du baron de Rais, démoniaque celui-là. Sadique,
pédophile et nécrophile, il donne libre cours à sa perversité sans
égale. Au nombre de onze, les débauchés et assassins proches de lui, se
chargent de rabattre dans ses griffes d’innocentes et jeunes victimes, semant dans la région
mort et désolation.
Sous sa coupe (si j'ose dire !), combien
de pauvres âmes périssent dans d’atroces souffrances ? Difficile à dire,
mais on parle de plus de 200 victimes, d’autres annoncent 800 ! Sans
aller jusqu’à ce nombre, nous sommes sûrs d’une chose : sa folie
meurtrière fut rarement égalée.
Ses aveux sont insoutenables pour celui
qui veut bien les entendre. Les jeunes proies de Gilles de Rais
subissent les pires tortures avant de se faire violer. Faisant sauter
sur ses genoux sa future proie, la cajolant pour obtenir sa confiance,
il attend le moment propice pour inciser le cou de celle-ci et se
délecte ensuite de la vision du sang s’écoulant sans fin sur le sol.
Dans un état d’excitation intense, il contemple l’agonie du condamné
avant de le polluer de son stupre. Sa monstrueuse besogne accomplie et
pour son plus grand plaisir, il démembre ensuite les corps, les décapite
et parfois réduit en bouillie les cervelles à l’aide d’une masse d’arme.
Tels des trophées de chasse, il expose les plus belles têtes coupées
au-dessus de sa cheminée. L’orgie accomplie, ses complices se chargent
de nettoyer la salle et de faire brûler les cadavres dans la cheminée.
Jean Jeudon, âgé de douze ans, fut la
première victime connue. Apprenti fourreur, il fut envoyé
pour porter un message au sombre château de l’infâme de Rais. On ne le
revit jamais. Inlassablement, quel que soit le lieu où se trouve le
baron tortionnaire, les enfants disparaissent à tout jamais. Et même
s’ils connaissent l'identité du bourreau à l’origine de ces disparitions, les parents,
serfs délaissés par l'aristocratie,
souffrent en silence.
Le prix du sang
Il continue de dépenser sans compter mais
la ruine commence à poindre à l’horizon. L’entretien de ses propriétés,
de sa cour et de ses soldats lui coûte énormément d’argent. Il emprunte
aux juifs et aux bourgeois mais cela ne suffit pas. Il vend alors une
partie de ses domaines mais cela n’empêche pas ses dettes de s’accumuler
car, paradoxalement, il continue de vivre dans un luxe hors normes.
Insouciance ? Peut-être… Naïveté ? Certainement ! Grâce à
l’alchimie, il espère retrouver sa fortune perdue.
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Est-il sur le
point de déceler le secret de la pierre philosophale, créatrice
du plus recherché de tous les métaux… l’or ? Du moins le
pense-t-il ! L’or symbolise pour l’alchimiste l’excellence, la
sagesse, la lumière et la perfection. Son but ultime est
d’atteindre la perfection spirituelle, la fabrication de l’or à
partir de métaux vulgaires n’étant que secondaire pour le
puriste. Malheureusement, le baron de Rais est obsédé par cet
aspect secondaire de l’art. Dans les
chambres et les sombres caves du château de Tiffauges,
le maréchal démoniaque passe des heures au milieu des creusets,
des cornues et des alambics. À l’aide de ses parchemins et de
ses grimoires, sait-il faire surgir de "l’œuf philosophal", en
ébullition sur l’athanor, la pierre philosophale génitrice de cet or
tant convoité ? Evidemment non ! Peu importe ! Si lui échoue, les
meilleurs alchimistes sauront lui révéler le secret des secrets. Reste à
trouver ces adeptes du grand œuvre. |
Recherche alchimiste
démoniaque, références occultes exigées !
Pour éviter le naufrage, il fait savoir
qu’il est à la recherche de ces personnes rares. Des escrocs et des
charlatans de tous poils accourent et lui proposent leurs services.
Ceux-ci lui promettent de lui apporter enfin le secret de la pierre
philosophale permettant de fabriquer de l’or. Abusant de la crédulité du
Maréchal de France par des tours de passe-passe, ces
mystificateurs n’arrivent pas à combler les incroyables dettes de leur
commanditaire. Le moine Eustache Blanchet, rentré au service de
Gilles de Rais en 1435 pour servir la chapelle des Saints-Innocents et
acolyte du baron démoniaque, est envoyé en Italie pour dénicher un
spécialiste de l’alchimie et de l’évocation des démons.
Il entend parler
à Florence d’un jeune moine défroqué de 24 ans Francesco Prelatti, qui
dit-on, connait toutes les arcanes de l’alchimie, de la nécromancie et
de la goétie, c’est-à-dire l’évocation des puissances infernales.
Ô
suprême privilège, il est en relation avec Satan en personne ! Celui-ci
lui rend visite sous la forme de vingt corbeaux ou d’un apollon nommé Barron. Prelatti est l’homme de la situation
! Son intelligence et sa
beauté envoûtent immédiatement le seigneur de Tiffauges. Ame damnée de
Gilles de Rais, Francesco Prelatti lui fait comprendre qu’il doit
évoquer le démon Barron pour qu’il puisse retrouver sa fortune d’antan.
Par l’intermédiaire du nécromancien, le démon Barron promet à Gilles de
Rais de lui révéler la cachette de fabuleux trésors et de l’initier aux
sombres arcanes de la magie noire.
Une effroyable séance
de magie noire
En 1438, par une nuit d’été,
dans la
grande salle inférieure du château de Tiffauges éclairée par les flammes vacillantes
des torches, le mage noir et son maître, assistés de leurs complices, son
cousin Gilles de Sillé, Eustache Blanchet, Henriet Griard et Poitou,
s’apprêtent à célébrer l’office diabolique. À l’aide d'une épée
magique, l’occultiste trace au sol le cercle de protection ainsi
que des symboles ésotériques. Des effluves d’encens et de myrrhe
flottent dans la pièce. Il tient dans ses mains un étrange livre
de cuir noir qui lui fut donné par un mystérieux breton. Cet obscur
manuscrit renferme des arcanes sur l’astrologie, la médecine
et surtout l’invocation des démons. On pouvait aussi lire dans
ces pages que les démons avaient le pouvoir d’enseigner la
philosophie et de révéler la présence de trésors cachés à celui
qui le voulait vraiment. |
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Francesco Prelatti avance solennellement
à l’intérieur du cercle, il ouvre le précieux grimoire et prononce la
formule incantatoire :
« Je vous conjure Barron, Oriens, Belial,
Belzébuth, par le père et le fils et le Saint-Esprit, par la Vierge
Marie et tous les Saints, apparaître ici en notre présence afin de vous
entretenir avec nous et de faire notre volonté. »
Les fenêtres de la salle sont ouvertes,
l’attente commence… sans résultat. Le démon Barron n’apparaîtra pas ce
soir. Ils recommencent dans un pré, à 1 km de Tiffauges, le lendemain
soir. Une fois de plus, le cercle est dessiné au sol. Une fois de plus,
la formule tirée de cet étrange livre noir est prononcée… L’angoissante
attente commence. Mais, une fois de plus, Barron ne vient pas.
Cependant, selon ses dires, Poitou entend plusieurs fois le nom de
Barron durant la cérémonie et tous sont témoins d’une chose
surprenante : un vent violent et une pluie diluvienne s’abattent sur eux
au moment même où ils pénètrent dans le cercle.
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Étrangement, ce soir-là,
la nuit est d’une telle noirceur qu’ils ont
du mal à rentrer au château.
Ils recommencent plusieurs fois ce rituel qui, à chaque fois, se solde
par un échec. Une fois, Prelatti évoque seul Barron qui lui apparait
sous la forme d’un beau jeune homme. L’entité démoniaque fait apparaître
de nombreux lingots d’or pour Gilles. Au courant du succès de
l’expérience, ce dernier veut voir les lingots. Mais au moment de
pénétrer dans la chambre, l’alchimiste hurle au Maréchal de France de ne
pas entrer car le démon Barron se serait transformé en un énorme serpent
vert. Trop tard, le seigneur des lieux franchit le seuil de la pièce et
découvre de vulgaires feuilles de laiton à la place de l’or. Prelatti
lui explique qu’il n’aurait pas dû faire ça. |
Un pacte avec le diable
Devant l’échec du rituel, l’occultiste lui
fait comprendre qu’il faut aller plus loin mais qu’il y a un prix à
payer. Gilles doit signer un pacte avec le diable. Avec son sang et par
l’intermédiaire du sorcier, il signe ce pacte avec le monarque des
Enfers mais n’engageant ni sa vie, ni son âme.
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De plus, Prelatti a
besoin de la main, du cœur et des yeux d’un enfant pour célébrer le
rituel satanique et permettre ainsi à Barron de se manifester. Ce n’est
pas un problème pour le pervers de Tiffauges puisque cela lui permet
dans le même temps d’assouvir ses fantasmes macabres. Il envoie ses
compères battre la campagne et les villages à la recherche de futures
proies à sacrifier. Les crimes repartent de plus belle. Plusieurs fois,
ils évoquent les puissances infernales et sacrifient d’innocentes
victimes à la gloire de Barron. Mais celui-ci ne se présente jamais
devant Gilles de Rais en personne, ni devant aucun témoin d’ailleurs. Il
apparait seulement sous les yeux de Francesco Prelatti. Il est évident
qu’il profite de la naïveté et de la confiance de son maître, lequel
croit fermement à ces chimères. |
Les disparitions
d’enfants alertent les autorités
Cependant, les nombreuses disparitions
d’enfants et d’adolescents commencent à inquiéter sérieusement les gens
de la région. La rumeur rapporte que le baron de Rais ne serait pas
étranger à ces "évanouissements" d’enfants. La peur s’empare alors de
la population. Précédant ces disparitions, certains remarquent la
présence d’un étrange personnage vêtu d’un long manteau noir et d’un
voile sur le visage. C’est Gilles de Sillé à la recherche de chair
fraîche, se chargeant de cette sale besogne pour assouvir les fantasmes
démoniaques de son maître. Grâce à ses titres, de Rais se croit
intouchable. Néanmoins, la rumeur locale enfle et parvient aux oreilles
de certaines autorités. Ces autorités sont maintenant au courant des
agissements du baron de Rais, tels Jean V, duc de Bretagne et Jean de
Malestroit, évêque de Nantes. Ce dernier recueille les témoignages et
les preuves et attend le bon moment pour agir. Il n’a pas besoin de
patienter longtemps car, étonnement, Gilles de Rais provoque lui-même la
chute qui lui est fatale.
Coupable de "perfidie,
apostasie hérétique et invocation des démons"
En l’an 1440, le lundi 25 mai, jour de la
Pentecôte, Gilles de Rais ose pénétrer, à cheval et en armes, dans
l’église de Saint Etienne-de-Mer-Morte pour injurier le frère du
trésorier de Bretagne, Jean le Ferron, avec lequel il a des différents
concernant la vente du château de Saint-Etienne-de-Mer-Morte. Il vient
de commettre l’irréparable en provoquant les autorités ecclésiastiques.
Sachant pertinemment qu’il ne peut pas payer, Jean V lui inflige une
amende de 50 000 écus d’or tandis que Jean de Malestroit met au grand
jour les charges qui pèsent contre lui.
Arrêté le 15 septembre 1440 en
compagnie de ses complices, Gilles de Rais a rendez-vous avec ses juges
le 19 septembre. Il est accusé, entre autres, de conjurer les démons et
d’invoquer les esprits, de perversions sexuelles sur des enfants, de
sacrifices humains et d’hérésie. Bien sûr, il réfute en bloc toutes ces
charges et va jusqu’à être arrogant avec ses juges. Néanmoins, les
plaignants se succèdent à la barre, accusant le Maréchal de France de la
disparition de leurs enfants. C’est au tour de ses complices, Prelatti,
Blanchet, Henriet et Poitou de témoigner. Tous admettent les charges qui
pèsent contre lui. Pour éviter la torture et l’excommunication, le baron
de Rais, en larmes, préfère tout avouer et demande le pardon pour tous
ses odieux crimes.
Le 23 octobre, la cour prononce son verdict.
Gilles de Rais est reconnu coupable de "perfidie, apostasie
hérétique et invocation des démons". C’est la peine de mort pour
le criminel et ses complices, Henriet et Poitou. Il est pendu puis brûlé le
26 octobre. Quelques dames de haute noblesse retirent son corps avant
qu’il ne soit complètement carbonisé. Quant à Francesco Prelatti, il est
condamné à la prison perpétuelle mais réussit à s’échapper et à
rejoindre la cour de René D’Anjou. Pourtant, il finit au bout d’une
corde, car son destin le mène à la potence en 1446 pour avoir commis
l’erreur de rançonner un trésorier de France !
La naissance de la
malédiction
Pendant ma visite de la forteresse de
Tiffauges, une indescriptible mélancolie me gagne. Parmi ces pierres, je
sens la désolation. Il y règne terreur, souffrance et mort. Je m’éloigne
de ce lieu maudit non sans avoir une pensée pour tous ces malheureux
enfants, victimes de la folie meurtrière du pervers baron. Et je
souhaite que jamais plus de telles atrocités ne se reproduisent. Quelle
alchimie démoniaque s’est emparée du cerveau fou de Gilles de Rais ?
Nous ne le saurons sans doute jamais. Mais, avec désespoir, je prends
conscience que l’être humain peut aller très loin dans la barbarie et
l’innommable. Et, devant le constat de certains faits abominables, ce
début de millénaire semble nous montrer que nous sommes encore au
Moyen-âge et que l’homme est encore capable du pire. Quand saura t-il
trouver la sagesse ?
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À l’aube du 15ème siècle, le monde
enfantait
Le plus pervers et le plus débauché de tous les meurtriers.
Un monstre dont la perversité fut rarement égalée,
Je veux parler de l’abominable Gilles de Rais.
À travers les sciences occultes et l’alchimie
Sous l’égide du père Francesco Prelati,
Cet esprit fou et perverti, ce criminel,
Pendant longtemps, lors de nombreux crimes rituels
Satanique, dans un bain de sang
Assassina bon nombre d’enfants.
Il fut pendu et puis brûlé. Mais,
La rumeur court qu’il reviendrait
Hanter le château de Champtocé… |
Il se fait tard et les personnes qui m’ont
accompagné aujourd’hui ont maintenant déserté l’endroit. La nuit commence
à étendre son royaume sur la forteresse damnée. Je dois partir. Une
certitude cependant : l’âme de l’infâme Maréchal de France imprègne ce
lieu. Je ne serais donc pas surpris d’apprendre, dans un futur proche,
que son spectre se manifeste à quelques sensitifs de passage…
... Vous ?
E. F.
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(*) Hôtel** LA BARBACANE - 2 place de
l'église, 85130 Tiffauges - Tél : 02 51 65 75 59 - Fax : 02 51 65 71 91
Pour visiter les demeures maudites
de Barbe-Bleue :
Château de
Tiffauges : BP 14 - 85130 Tiffauges - Tél : 02 51 65
70 51
>> Site web :
http://www.chateau-barbe-bleue.com/
Ruines du château
de Gilles de Rais à Champtocé-sur-Loire :
Pour toutes informations sur les conditions de visite du site, nous vous
conseillons de vous adresser à la Mairie (3, place de l'église, 49123
Champtocé-sur-Loire - Tél : 02 41 39 91 80)
>> Site web :
http://www.tourisme-loire-layon.com/
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Crédits photographiques : Philippe Prost |