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« Pourquoi les gens aiment croire aux fantômes ? Pour
rigoler ? Non. C’est la perspective de quelque chose après la
mort ».
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Mr Olin, le directeur de l’hôtel Dolphin, à New York, avait pourtant prévenu Mike Enslin
de ne pas entrer dans la chambre 1408. Mais rien
n’arrête l’écrivain qui, depuis la mort de sa fille,
consacre sa vie à écrire des bouquins sur les histoires
de fantômes et de lieux hantés.
Son dernier
best-seller ? Un guide des hôtels hantés. Seul problème.
Mike Enslin ne croit plus aux fantômes ni aux vampires
depuis douze ans. Il a même perdu la foi. Il ne
croit plus en rien. Démystifier les phénomènes paranormaux est
devenu son fond de commerce pour exorciser ses vieux démons.
C’est alors qu’il reçoit une carte
postale. « N’entrez pas dans la chambre 1408 ». Il relève le
défi. Son dernier défi ? Condamnée mais nettoyée une fois par
mois, cette chambre du 14e étage d’un hôtel de Manhattan est
maudite. |
Plusieurs de ses occupants y sont
morts dans des circonstances étranges : noyage, défenestration,
automutilations,… Une heure dans la 1408 est une condamnation au
suicide. Alors fantôme ou fantasme ? Mike Enslin décide
d’élucider l’énigme.
Présenté en avant-première
française au dernier
Festival du Film Américain de Deauville, 1408 est
l’adaptation d’une nouvelle de Stephen King. Avec John Cusack et
Samuel L. Jackson dans les rôles-titres, ce film du réalisateur
d’origine suédoise, Mikaël Hafstrom, bouscule les conventions du
film de maison hantée. L’intrigue ne se déroule pas dans un
vieux manoir poussiéreux et abandonné au fin fond de la campagne
anglaise mais dans un palace de New-York. Fin d’une idée reçue :
les fantômes n’aiment pas que les vieilles baraques. Ils peuvent
aussi prendre une chambre en ville.
Mike Enslin est-il un chasseur de
fantômes ? La réponse est non. D’abord parce qu’il réfute toute
probabilité que les fantômes puissent exister. Ensuite, parce
qu’il veut prouver que ce sont des escroqueries dont le seul but
de faire de l’argent. Enfin, parce qu’il s’y prend comme un
débutant. Jamais il ne faut boire d’alcool quand on veille dans
un lieu hanté. Et puis, jamais, non jamais un néon aux rayons UV
n’a révélé la présence de spectres. Tout au plus des traces de
sang qu’on a cherché à effacer, dixit les techniciens de scène
de crime. Et puis, il ne faut pas s’attendre à voir l’invisible
quand on s’assoit dans un fauteuil, les bras croisés, en
piaffant d’impatience. Le surnaturel et le cynisme ne font pas
bon ménage.
Mike Enslin est donc un chasseur
d’adresses hantées. Il répertorie dans ses guides les hôtels où
se sont déroulés des drames, décernant des étoiles (des crânes
en l’occurrence) aux lieux les plus effrayants, les plus chargés
en atmosphère. Ceux où le plus émotif d’entre vous pourra se
faire peur. Bon filon !
Mais, à force de provoquer la mort
et de nier l’existence d’une réalité qui nous échappe parce
qu’elle n’entre pas dans nos schémas de pensée, elle finit par
vous surprendre. Au-delà d’une mise en scène parfois poussive
mais qui vous fait forcément bondir sur votre siège, il y a une
morale à cette histoire : on ne badine pas avec la mort.
Le scénario suit le schéma de
construction des nouvelles fantastiques de la fin du 19e siècle,
lorsque l’occulte prenait sa source dans les psychopathologies
humaines. La chambre 1408 est une métaphore de l’esprit humain,
capable de produire des hallucinations, des névroses et de
pousser l’homme à se dédoubler, à croire n’importe quoi. C’est
ce qui arrive à Mike Enslin, un écrivain désabusé, un héros
entraîné dans une spirale autodestructrice, en proie à la
dualité. C’est presque devenu une signature chez Stephen King.
Le protagoniste est un personnage double. Il lutte contre
lui-même. A l’écran, cette schizophrénie grandissante est
symbolisée par les reflets. Le héros voit son double dans
l’immeuble en face de son hôtel. Il n’arrête pas de se regarder
dans le miroir de la salle de bain pour s’assurer que c’est
toujours bien lui. Enfin, son double finit par lui échapper
lorsqu’il communique avec son ex-femme par le biais d’une
webcam. Prisonnier de ses propres démons, Mike Enslin est mis
face à lui-même pour résoudre un passé qu’il s’évertue à
refouler.
Mais les phénomènes de la chambre
1408 ne sont-ils que le fruit de son imagination ? C’est
toujours la même question. Et, comme à chaque fois, la réponse
ne vient qu’à la dernière minute. Si on peut appeler cela une
réponse. Car, le propre d’un film fantastique n’est-il pas de
finir sans explication ? Et de laisser le spectateur prolonger
le débat hors de la salle ?
John Cusack réussit un tour de
force dans son interprétation de Mike Enslin. Il est seul
pendant la plupart des scènes-clefs du film. Or, le réalisateur
a voulu éviter les écrans verts et les incrustations de
postproduction. L’acteur doit donc faire évoluer la psychose de
son personnage uniquement par son jeu de scène. Pari gagné. Et
sa seule arme, c’est son dictaphone qui recueille ses
impressions en direct. Une astuce scénaristique qui permet
d’éviter la voix-off. Et un outil authentique du chasseur de
fantômes qui deviendra la pierre angulaire du film…
Le film regorge de clins d’œil aux
classiques du genre. Le réveil radio qui se déclenche de manière
intempestive, même débranché, avant de devenir un compte à
rebours, n’est-il pas une allusion au film Amityville où
le héros est systématiquement réveillé la nuit, à la même heure,
l’heure d’un crime ? Il y en a d’autres. Les références
m’échappent. Mais tous ces artifices offre une impression de
déjà-vu : le tueur fou qui n’apparaît uniquement que dans les
miroirs, derrière le héros, prêt à le tuer alors qu’il n’y a
personne lorsqu’il se retourne ; la dame blanche qui pousse son
landau et calme son bébé en pleurs ; le cul-de-jatte dans le
conduit d’aération qui cherche à vous attraper ; les tableaux
qui s’animent ; le mur qui pleure du sang ; la bible dont les
pages s’effacent ; la télévision sur laquelle sont projetées des
images de l’inconscient ; le fantôme qui devient cadavre
momifié ; les architectures impossibles ; le froid qui engourdit
vos sens ; le chiffre 13 caché dans le film… etc.
1408 n’a rien inventé. Il réveille
les peurs de l’imaginaire collectif. C’est un cas d’école sur le
cinéma fantastique. Un divertissement qui ne sort pas des
sentiers battus mais vous fera au moins perdre le sens de
l’orientation.
Olivier
VALENTIN
Chambre 1408, de Mikaël
Hafstrom
Avec John Cusack, Samuel L. Jackson et Mary McCormack
Adapté d'une nouvelle de Stephen King
Sortie française le 16 janvier 2008
>> Site officiel français :
http://www.tfmdistribution.com/chambre1408/
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