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>> Dossier Harry Price,
par Erick Fearson

[Retour lieux hantés]

Dans son dernier livre « Les spectres de Cheyne Walk » publié aux éditions Terre de Brume, Gérard Dôle met en scène Thomas Carnacki, le détective de l’étrange imaginé par William Hope Hodgson en 1913. Or, la première de ses mésaventures conduit le chasseur de fantômes au Presbytère de Borland en lequel les amateurs de ghost-stories n’auront pas manqué de reconnaître le Presbytère de Borley, « maison la plus hantée d’Angleterre ». Son incroyable histoire, depuis le fantôme d’une religieuse jusqu’à l’enquête médiatique du célèbre Harry Price, mérite toute l’attention de Maison-Hantee.com. Enquête aux frontières du réel.

Par Olivier Valentin

Situé dans le Comte de l’Essex (où est né William H. Hodgson en 1877 !) sur la côte Est de l’Angleterre, Borley est un petit village qui borde la rivière Stour près de Sudbury. D’apparence modeste, le voyageur qui s’y égare ne saurait deviner la présence d’une église et des restes d’un ancien presbytère faisant l’objet d’une retentissante histoire de hantise et attirant chaque année de nombreux touristes en quête d’insolite. Or, ce sont les recherches très médiatisées du célèbre chasseur de fantômes Harry Price (NDR : lire notre autre article ci-dessous) qui ont donné au lieu sa véritable notoriété à partir des années 1930.

Spécialisé dans les investigations paranormales, Harry Price est tombé un jour de juin 1929 sur un article de presse du Daily Mirror rapportant l’histoire du fantôme d’une novice qui hanterait le presbytère depuis sa construction en 1863 par le révérend Henry Bull.

Erigé à l’emplacement d’un ancien monastère du 13ème siècle, le presbytère serait victime d’une malédiction liée au triste sort d’une jeune et capricieuse nonne du couvent de Bures, secrètement amoureuse d’un moine du Prieuré de Borley. Or, ils furent arrêtés et condamnés à mort alors qu’ils tentaient de s’échapper en charrette. Depuis ce drame où le moine fut pendu et sa maîtresse emmurée vivante, les fantômes sont devenus monnaie courante dans le coin. Le révérend Bull et ses 14 enfants en feront les frais jusqu’à la mort du dernier fils, Harry, en 1927.

Les phénomènes recensées sont éloquents : bruits de pas, coups frappés sur les murs, apparitions en tous genres (religieuse, moine sans tête, carriole et chevaux), déplacements d’objet,… Rien ne manque au point que, dans un premier temps, le révérend se construit une dépendance pour assister au ballet du fantôme de la religieuse, les soirs d’été, cigares à la main.
Mais le spectre se faisant de plus en plus menaçant, le spectacle sera de courte durée. D’autant plus que les domestiques fuient le lieu les uns après les autres.

Après les Bull, c’est au tour des Smith d’emménager au presbytère en octobre 1928. Avertis par les rumeurs locales, le révérend Eric et sa femme veulent faire appel à une société d’études psychiques et consultent à ce sujet l’éditeur du Daily Mirror pour lequel un reporter fera l’article déterminant pour Harry Price en 1929. Grand spécialiste de la magie depuis son plus jeune âge, il s’est fait une spécialité de démasquer les arnaques aux causes prétendues surnaturelles (voir autre article ci-dessous).
Envoyé par le journal, Price se rend au presbytère pour la première fois le 12 juin 1929. Or, les manifestations prennent une autre tournure : des pierres sont jetées, des messages de l’au-delà sont transmis par un miroir frappeur et la bonne des Smith, Mary Pearson, est témoin d’apparitions.
Incommodés par les perturbations paranormales et la publicité qu’elles engendrent, les Smith quittent le presbytère et vont s’installer non loin de là, à Long Melford, pour continuer à s’occuper néanmoins de la paroisse. Ils adressent régulièrement des rapports à Harry Price sur les événements de Borley jusqu’en avril 1930. Quand le révérend quitte définitivement le comté pour Norfolk, la hantise reste en sommeil pendant 6 mois.

L’intensité des phénomènes va s’accroître avec l’arrivée des Foyster en octobre. Cousin du révérend Harry Bull, Lionel Foyster s’installe à Borley avec sa femme Marianne et leur petite fille de deux ans et demi, Adélaïde. Confirmée par les voisins, la violence des manifestations (agression physique) est telle que les Foyster rappellent Harry Price en septembre de l’année suivante. Ses analyses ne tardent pas à viser la jeune épouse Foyster, accusée d’être – consciemment ou inconsciemment ? – à l’origine d’une série de messages griffonnés sur les murs. Phénomène subjectif attribué à Marianne ou intervention d’un autre esprit ? L’opinion de Price va osciller entre ces deux thèses. La décision est prise de pratiquer un exorcisme en janvier 1932 par un groupe de spirites mené par Marks Tey et le médium Guy L’Estrange. Après deux mille phénomènes prétendus paranormaux recensés en cinq ans, tout cesse brusquement. Du moins le croit-on jusqu’à ce qu’une étrange musique soit entendue près de l’église et que le vin de messe se transforme en encre…
Le coup de grâce est donné lorsque la petite Adélaïde est agressée par « quelque chose d’horrible ». Les Foyster quittent alors Borley en octobre 1935 laissant le presbytère inoccupé jusqu’à la nomination du révérend Henning en mars 1936 qui demande à l’évêque l’autorisation d’aller habiter le presbytère voisin à Liston, soi-disant plus spacieux…

Pendant ce temps, Harry Price décide de louer le presbytère maudit pour le soumettre à des investigations poussées. Tel le docteur Montague dans le roman « Maison Hantée » de Shirley Jackson, il va convier à Borley les meilleurs spécialistes en faisant paraître une petite annonce dans le Times de Londres daté du 25 mai 1937 : « Maison hantée : toutes personnes saines de corps et d’esprit, intrépides, à l’esprit critique et impartial, sont invitées à rejoindre notre équipe de témoins dans le cadre d’une enquête d’une durée d’un an, de jour comme de nuit, dans une maison présumée hantée située dans notre Comté. Références exigées. Toute formation scientifique ou capacité à manipuler des équipements simples seraient un plus. La maison étant isolée, voiture personnelle indispensable. ». La boite postale de réponse ne tarde pas à être inondée de candidatures, la plupart du temps sans grand intérêt. Mais dans cette avalanche de propositions, Price isole quarante-huit participants crédibles parmi lesquels un certain M.S.H. Glanville, ses enfants Roger et Helen ainsi que le diplomate britannique Mark Kerr-Pearse.
Harry Price distribue aux enquêteurs un guide décrivant les méthodes et les outils d’investigation de lieux hantés. Cette bible du chasseur de fantômes servira de base d’écriture pour les deux ouvrages que Price a consacré à la hantise de Borley, « La maison la plus hantée d’Angleterre » et « La fin du presbytère de Borley » publiés respectivement en 1940 et 1946.

Prenant plus ou moins de libertés avec les instructions de Price, les enquêteurs du surnaturel vont passer le lieu au peigne fin, multipliant les relevés scientifiques et les séances de spiritisme. Lors d’une séance de oui-ja animée par Helen Glanville, la planchette s’affole sur les lettres et donne des renseignements précis sur l’identité de la religieuse assassinée. Il s’agirait d’une française du nom de Marie Lairre qui aurait quitté le couvent pour épouser l’héritier d’une riche famille de Borley, Henry Waldegrave. Dans un accès de folie, ce dernier l’aurait étranglée et enterré sa dépouille dans la cave de son manoir, anciennement érigé sur le site du presbytère au 17ème siècle. La privant d’une sépulture consacrée, son esprit aurait donc été condamné à hanter les environs.

Le 27 mars 1938, le oui-ja s’anime de nouveau sous la dictée d’une entité répondant au nom de « Sunex Amures » qui prédit la destruction du presbytère par le feu et la découverte dans les ruines des restes d’une nonne assassinée. La prédiction se réalisera onze mois plus tard…

En effet, les interventions de Harry Price à la radio attirent l’attention du Capitaine W.H. Gregson qui, après s’être rendu propriétaire du Prieuré de Borley, mettra le feu par inadvertance à la bibliothèque du presbytère, avec une lampe à pétrole, dans la nuit du 27 au 28 février 1939.

Un an plus tard, Price fait paraître son premier livre, suscitant une vague de théories au sujet de la religieuse. Entre 1940 et 1946, de nombreux amateurs vont défiler dans les ruines de Borley en quête d’une preuve. Ou à la recherche d’un trésor enfoui dans les environs après la dissolution des monastères ?

En 1943, Harry Price entreprend des fouilles selon les instructions de « Sunex Amures » dans les caves du presbytère en ruine et découvre les ossements humains qu’on suppose être ceux de la religieuse de Borley. La dépouille est enterrée dans une sépulture chrétienne du proche cimetière de Liston en mai 1945, censé, selon Price, apporter le repos éternel à l’âme de la défunte. En vain…

Malgré la destruction de l’édifice en 1944, la légende perdure et les photos spirites se multiplient. Rien ne semble pouvoir arrêter les phénomènes. Pas même la vague de démentis qui a commencé en octobre 1945 avec la première lettre de Madame Eric Smith adressée au Church Times. Dans son courrier, elle reconnaît que ni elle, ni son révérend de mari n’ont cru à la hantise de Borley. Abnégation qu’elle réitère quatre ans plus tard dans une seconde lettre envoyée au Daily Mail.

En 1958, de l’huile est jetée sur le feu par Marianne Foyster qui confie à des chercheurs que toute cette affaire n’était qu’une vaste mystification.

Mais c’est surtout en 1948, année de décès d’Harry Price, que les attaques seront les plus virulentes. Le chasseur de fantômes est accusé d’avoir amplifié volontairement les événements insolites de Borley pour servir sa cause.

Au bénéfice du tourisme, le mystère n’a toujours pas été résolu à ce jour. Une célèbre voyante britannique du nom de Lilian Bailey aurait reçu un message de l’au-delà signé Harry Price qui disait : « Le presbytère est vraiment hanté. Borley le prouvera de lui-même et je serai vengé, même si pour ce faire, je dois y revenir et m’y manifester moi-même… » Quelle preuve de conscience professionnelle ! O.V.


Harry Price, l’homme qui murmurait à l’oreille des mangoustes

Journaliste, magicien et chasseur de fantômes, Harry Price (1881-1948) est une figure emblématique de l’histoire des sciences occultes. Il a initié l’investigation paranormale pour traquer les faux médiums et percer le secret des lieux hantés. Inspirant de nombreux personnages de la littérature fantastique, ce détective de l’étrange s’est distingué par des affaires plus ou moins glorieuses avant d’être associé pour toujours à la mémoire du presbytère hanté de Borley.

Sa première expérience surnaturelle remonte en 1896 où le jeune Harry, alors âgé de 15 ans, décide de passer une nuit entière, enfermé avec un ami, dans une maison hantée. Après avoir entendu des bruits étranges à l’étage, Harry installe un vieil appareil photo au bas d’un escalier. Une heure d’attente plus tard, il déclenche le flash persuadé d’avoir photographié un spectre descendant les marches. Le développement ne révèle aucun fantôme mais l’aventure, digne du Club des Cinq, marquera le jeune Price pour toujours.

Sa passion pour la magie le conduisent à rejoindre la Société d’Etudes Psychiques en 1920 après un mariage qui fera de lui un chasseur de fantômes riche et indépendant. Il passe son temps dans des lieux présumés hantés et en compagnie de médiums. Expert dans l’art de détecter les fraudes, il démasque les imposteurs, s’attaquant notamment au célèbre photographe spirite William Hope, et donne ses lettres de noblesse à la recherche psychique.

Sa première affaire se conclue dans un train qui relie Londres à Pulborough (où se trouve sa maison de campagne). Pendant le voyage, il fait la connaissance d’une infirmière, Stella Cranshaw, qui lui raconte être le témoin de phénomènes parapsychologiques tels que déplacements d’objets, poltergeists,… Persuadé qu’elle est involontairement à l’origine des manifestations, il lui propose de passer des tests en présence d’une invention de son cru, le « télékinétoscope », un appareil de contrôle permettant d’allumer une lumière par le simple pouvoir de son esprit. Durant plus d’une dizaine de séances, Price et d’autres observateurs sont témoins de phénomènes psychiques inexplicables : variations anormales de température, lévitation,… Il consigne ces événements dans un journal. Au final, les talents de médium de Stella Cranshaw sont de courte durée mais la notoriété de Harry Price s’en trouve assurée.
Lors de nouveaux tests en Allemagne avec les frères Schneider, célèbres médiums, dans le laboratoire du parapsychologue Albert Von Schrenck-Notzing, Price est impressionné par la publicité dont s’entoure le Baron pour accroître sa réputation.
De retour à Londres, il décide de créer son Laboratoire National de Recherche Psychique pour mener ses travaux en marge de la S.R.P. qui ne lui fait plus confiance. En effet, persuadé de la réalité du paranormal, il consacre plus son temps à chercher d’authentiques phénomènes que de confondre les mystificateurs. Les membres de la S.R.P. ne lui pardonneront jamais cette « trahison », même après sa mort.

En 1926, il enquête sur les stigmates d’une jeune roumaine, Eleonora Zugan, témoin de manifestations paranormales jusqu’à sa puberté. Trois ans plus tard, il profite de tests sur Rudi Schneider, le plus doué des deux frères précédemment cités, pour parfaire ses équipements. Il obtient des résultats plus que probants, attestés par un membre éminent de la S.R.P., Lord Charles Hope, reconnaissant publiquement la réalité des dons du médium.
Mais, - par souci de publicité ?- , Harry Price s’aborde sa crédibilité lorsqu’il change brutalement d’avis et accuse Rudi de fraude, révélant, preuves à l’appui, les dessous du canular. C’est un coup dur pour les chercheurs, dont Price lui-même, qui avaient soutenu l’authenticité des facultés du médium.
Harry Price se consacre dès lors à l’étude des maisons hantées s’égarant quelques fois dans des affaires plus que farfelues, comme par exemple l’épisode du sortilège capable de changer une chèvre en homme !
Le cas le plus étrange qui le consacre au comble du ridicule porte sur un animal baptisé Gef, une mangouste soi-disant dotée du don de la parole ! L’affaire commence en 1931 dans une ferme de montagne sur Isle of Man, une île située au large de la côte de Lancashire, au Nord-Ouest de l’Angleterre. D’après la famille Irving qui vit à Crashen’s Gap, cette espèce de belette se nourrit de lapins et parle plusieurs langues, imitant même d’autres animaux ou racontant des contes aux enfants. Price part enquêter sur cette légende en compagnie de R.S. Lambert, l’auteur d’une célèbre émission de radio de l’époque, The Listener, mais l’animal refuse de communiquer. Price fait néanmoins le lien avec Voirey Irving, une jeune fille de 13 ans dont la présence semble contribuer aux manifestations de la mangouste parlante. Le détective de l’étrange ne parviendra pas à détecter la moindre trace de supercherie. Et l’implication de Lambert dans cet échec lui vaudra son licenciement par la BBC. Un autre enquêteur du nom de Nandor Fodor se risque à interroger de nombreux témoins sur le phénomène, sans plus de succès. Il en conclura que la mangouste pourrait très bien avoir appris à parler comme un perroquet ! Quoi qu’il en soit, le cadavre d’un animal ressemblant étrangement à Gef est aperçu quelques années plus tard. Encore aujourd’hui, son fantôme continue de nourrir les superstitions locales.

Harry Price a largement contribué au développement de la recherche psychique, dotant notamment en 1933 l’Université de Londres d’un Comité de Recherches Psychiques et d’une importante collection de livres sur le sujet.
C’est l’affaire du presbytère de Borley qui a donné un tournant décisif à sa carrière dès 1929. Au moment de sa mort en 1948, il travaillait avec Upton Sinclair sur un scénario de film basé sur la prétendue hantise. La version d’Alain Boudet qui tourne en 1968 « Qui hantait le presbytère de Borley » dans le cadre d’une série TV de l’O.R.T.F. « Le Tribunal de l’Impossible » lui a-t-elle rendu hommage ? C’est à son fantôme d’en décider… O.V.

Sources :

Livres

« Le presbytère hanté de Borley » de Eric J. Dingwall-Kathleen, M. Goldney et Trevor H. Hall
Collection La Tour Saint-Jacques, Editions Denoël, 1958

« Les spectres de Cheyne Walk » de Gérard Dôle
Collection Terres fantastiques, Editions Terre de Brume, 2005

Web

>> L’article du Groupe d’Etude des Sciences Occultes (en français)
>> Les dossiers  du Haunted Museum consacrés à Harry Price et au Presbytère de Borley (en anglais)
>> L’article de David Nash Ford sur le site britannia.com

Télévision

« Le Tribunal de l’Impossible : Qui hantait le presbytère de Borley ? »
Réalisation Alain Boudet 1968 - Episode d’une série TV de Michel Subiela diffusée entre 1967 et 1973 par l’O.R.T.F.

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Lire aussi : Le dossier d'Erick Fearson consacré à la biographie de Harry Price

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Crédits photographiques : Simon Marsden (www.marsdenarchive.com)

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